Au 18e siècle, l’Europe amorce une hégémonie mondiale, et cet essor inédit est associé aux Lumières. Un mouvement très divers, fédérant des acteurs partageant le refus de l’absolutisme, et le postulat qu’il est possible d’améliorer l’homme.
Dossier
Lumières ! Attention, voici le plus éclairant des grands récits fondateurs de l’Occident. Au 18e siècle, une poignée de penseurs, les philosophes, a changé le monde. Ils étaient ultraminoritaires, face à des pouvoirs absolus, celui des rois, celui des Églises. Ils se sont dressés avec la plus puissante des armes, la raison. Et ils l’ont emporté. On leur doit tout. De la grasse matinée du dimanche qui permet de jouir d’une société des loisirs enfin soulagée de l’obligation d’aller à la messe, à la reconnaissance de la nature unique de chaque individu dont découlent les droits qui protègent un citoyen de l’arbitraire…
Vous avez évidemment reconnu un mythe ! Un récit qui n’est ni vrai ni faux dans l’absolu, mais qui donne symboliquement sens au monde. Ce mythe des Lumières est « inspiré de faits réels », comme on dit au cinéma. Il est destiné à faire consensus, à apprendre à des communautés nationales ce qu’elles doivent penser et comment elles doivent agir. Le mythe des Lumières est la colonne vertébrale des États-nations européens. Il fait abstraction des débats, querelles, désaccords qui déchirèrent les philosophes. Il rend homogène des pensées très différentes. Il abrase pour faire consensus. Reste que cette saga s’inspire d’un de ces moments uniques dans l’histoire, où les idées basculent en très peu de temps. Car c’est bien au 18e siècle que notre monde a changé.
Le siècle des Lumières est certes celui du triomphe inespéré de la raison, mais il est aussi celui où l’on comprend que la bêtise jamais ne sera terrassée. Il est ce moment où l’on proclame les droits de l’homme, la liberté des citoyens, l’égalité des sexes, mais où se dérobe l’application effective de ces beaux principes. Les inégalités économiques s’amorcent, les traites esclavagistes déportent dans des conditions inhumaines des millions d’Africains vers l’Amérique, et les femmes toujours doivent obéir aux hommes. Quant à la liberté d’expression, cet ADN des philosophes, elle ne prospère que par artifice, quand un esprit libre critique l’absolutisme entre deux scènes torrides d’un roman pornographique diffusé clandestinement.
C’est à la découverte de ces Lumières-là que nous vous invitons, avec les meilleurs spécialistes pour guides. Car il faut toujours éclairer le passé, pour le purger des zones d’ombre qu’il nous a léguées, et pour exalter les héritages que l’on souhaite préserver, en conscience : un monde libéré de l’emprise des dogmes et des absolutismes, où chacun jouit de droits fondamentaux. Il nous faut savoir comment a été construit ce fragile édifice de coexistence. Faute de quoi nous serons incapables de le préserver.
Au 18e siècle, l’Europe amorce une hégémonie mondiale, et cet essor inédit est associé aux Lumières. Un mouvement très divers, fédérant des acteurs partageant le refus de l’absolutisme, et le postulat qu’il est possible d’améliorer l’homme.
De la mort de Louis XIV en 1715 à la Révolution française, l’absolutisme royal, loin d’être totalitaire, s’adapte à son temps. Il anticipe même le nôtre ; on lui doit notamment l’essor des grands corps de l’État.
Les Lumières, dit-on volontiers, ont émancipé l’individu des tutelles de l’Église et de l’État royal. Qu'en est-il réellement ?
Avec son traité d’éducation, Jean-Jacques Rousseau initie la révolution copernicienne qui met l’enfant au centre du processus éducatif.
Notre justice est fille du 18e siècle. Si l’on vit aujourd’hui dans un État de droit, protégé par des lois et puni sans cruauté, c’est aux Lumières que nous le devons.
Une querelle scientifique a opposé savants cartésiens et newtoniens autour de la forme précise de la Terre. Deux expéditions scientifiques tranchent un débat dont les enjeux portent bien au-delà de la seule recherche de la vérité.
Robert Darnton reconstitue l’itinéraire d’un commis voyageur suisse dans les librairies de la France entière. Ce faisant, il montre comment la diffusion des idées s’intensifie à la veille de la Révolution.
Les Lumières ont fait de l'athéisme, une idéologie quasi inexistante au 17e siècle, une force contribuant à ébranler le pouvoir de l’Église sur les esprits.
Au 18e siècle, de nombreux esprits s’opposent aux philosophes. Ces anti-Lumières forment une mosaïque aux arguments multiples.
L’historien Jean-Clément Martin réfute l’idée que la Révolution française aurait été préparée par les Lumières. Les philosophes n’avaient pas de programme commun ; et la majorité n’espérait pas renverser le roi, mais tempérer l’absolutisme.
C’est une image d’Épinal : les salons des Lumières réunissaient des penseurs progressistes, invités par des femmes d’exception, qui auraient été les premiers influenceurs de l’opinion publique… Qu’en pensaient leurs contemporains ?
Il est souvent affirmé que les Lumières, en imposant la notion de progrès, sont à l’origine des dégradations environnementales contemporaines. Cette filiation résiste-t-elle à l’examen ?
Un des meilleurs moyens de diffuser les idées philosophiques fut de les inséminer dans les esprits via des romans pornographiques. Une idée libertine qui a mené à la tolérance moderne.
L’historien américain Steven L. Kaplan rappelle l’importance du blé comme levain des « Lumières économiques » des années 1760.
C’est au 18e siècle que la chrétienté se transforme en Europe. Une mutation qui va redéfinir la politique à l’échelle d’un continent, puis à celle de la planète.
L’humanité se porte mieux que jamais : statistiques à l’appui, Steven Pinker estime que les idéaux des Lumières ne cessent de progresser à travers la planète, malgré les aléas du populisme.
La religion doit-elle être reléguée à la sphère privée ? L’éducation doit-elle être la même pour tous ? Ces débats se réclament souvent des Lumières. Mais les pensées du 18e siècle étaient diverses. Leurs multiples arguments aident à mettre notre présent en perspective.