Quoi qu’il en soit, les Cahiers terminent leur histoire en beauté avec un copieux dossier consacré à l’évaluation. Comme le souligne G. Balandier, cette dernière « ignore les limites et s’attache à la plupart des systèmes d’action en imposant son autorité aux savoirs et aux savoir-faire (…). L’évaluation semble indissociable des accomplissements de la modernité la plus active ». La variété des articles le souligne : ce sont bien sûr le travail (Marie-Anne Dujarier) ou encore l’action publique (Marie-Christine Bureau) qui sont chiffrés et mis sous indices, mais aussi la ville (Alain Bourdin) ou tout simplement la vie (Didier Fassin). Un mouvement d’une telle ampleur prête naturellement le flanc à la critique. Parmi ceux qui s’y essaient (Lucien Sfez, Eugène Enriquez, Alain Gras), Danilo Martuccelli est le plus systématique, en réfutant un par un les huit principes (applicabilité générale, renforcement de la transparence, motivation accrue des évalués…) qui fondent, selon lui, ce qui est devenu une véritable philosophie. Pour le sociologue, cette « hydre à plusieurs têtes » qu’est l’évaluation sera dans les années à venir l’un des défis majeurs de la critique sociale.
Marc Olano