La naissance de la famille démocratique

Depuis 2002, la loi française reconnaît à l’enfant le droit d’être associé aux décisions qui le concernent, aboutissement d’une lente évolution au sein des familles.

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À quand remonte le projet de dessiner la famille comme un nouvel espace démocratique ? De nombreux groupes et auteurs, conservateurs ou progressistes, s’accordent à désigner Mai 68 comme responsable du déclin – regretté par les uns, salué par les autres – des modèles traditionnels de parentalité. Tous prennent comme indicateur du changement la déstabilisation du pouvoir du père, symbolisé par la première chanson de Renaud : « Ne dites plus “Bonjour papa”, mais “Crève salope”. » Deux ans plus tard, le « chef de famille » perd sa « puissance paternelle ». La mention est supprimée du Code civil au profit de l’autorité parentale, que le père doit désormais partager avec son épouse ou compagne. Ce serait toutefois surestimer Mai 68 que de considérer ces événements comme l’amorce de ce processus démocratique. L’analyse historique suggère plutôt qu’ils en ont été une amplification importante.

Un projet révolutionnaire

Une première critique de la notion de puissance paternelle émerge dès la Révolution française de 1789. Le juriste Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, membre du comité de Salut public déclare en 1794 : « Loin de nous ces termes de plein pouvoir, d’autorité absolue, formule de tyran, système ambitieux que la nature indignée repousse, qui n’a que trop déshonoré la tutelle paternelle en changeant la protection en domination, les devoirs en droits et l’amour en empire. » Comme le pouvoir du père est d’abord celui de désigner parmi ses enfants qui sera l’héritier, la Révolution entreprend d’abolir les droits d’aînesse et de masculinité au profit d’une meilleure égalité au sein des fratries. La mort du roi sur l’échafaud sera considérée comme le symbole de cette déstabilisation de la figure du père. Dans Mémoires de deux jeunes mariées (1842), Balzac affirme que ce régicide a symboliquement détruit la « vraie » famille : « En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution a coupé la tête à tous les pères de famille. Il n’y a plus de famille aujourd’hui, il n’y a plus que des individus. » Cette démocratisation progressive de la famille commence donc dès le 18e siècle et se poursuit en deux mouvements complémentaires. Il s’agira d’abord d’alléger les devoirs de l’enfant vis-à-vis de son père et de ses parents. Puis, on réalisera le sens de cette moindre autorité : permettre à l’enfant d’exprimer ce qu’il cherche à devenir.

De la protection au respect