Reconnaissance

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Le soin des autres est devenu un enjeu de société. C'est aussi un nouvel objet pour les sciences humaines qui interrogent tout à la fois sa valeur économique, la spécificité des professions d'aide à la personne ou plus largement les valeurs morales qui régissent notre société. Mais, métier ou réalité familiale, il manque encore cruellement de reconnaissance sociale.

Depuis 2002, la loi autorise tout individu à faire valider son expérience dans une activité professionnelle ou sociale par un diplôme. Cette démarche s’inscrit dans une conception de la formation professionnelle et de la promotion sociale centrée sur la volonté de chaque individu de se promouvoir en utilisant le marché de la formation continue.

Sans-papiers ou chômeurs, malades ou handicapés se mobilisent aujourd'hui et revendiquent non plus seulement des droits, mais le respect et la dignité. Un militantisme d'un genre nouveau affirme la voix singulière de ceux qui ont longtemps été exclus de l'espace public.

Bien des souffrances et des problèmes sociaux prennent sens dès lors qu'on les aborde sous l'angle de la reconnaissance. C'est ce que montre le philosophe Axel Honneth, soucieux de marquer l'importance pour notre existence du regard des autres.

Les jeunes au travail sont en attente de reconnaissance mais se heurtent bien souvent au silence des entreprises. C'est ce que montre l'enquête menée dans plusieurs organisations où la gestion des salariés apparaît en porte-à-faux avec les demandes de travailleurs qui se sentent dévalorisés, stigmatisés ou tout simplement invisibles.

Qu'il s'agisse d'aborder les discriminations, la précarité ou la souffrance au travail, le concept de reconnaissance s'avère d'une grande fertilité pour les sciences humaines. La valeur que chacun s'attribue dépend du regard d'autrui. L'expérience de l'injustice sociale est donc toujours aussi celle du mépris.

Pour appartenir au monde des intellectuels, il ne suffit pas de produire une oeuvre artistique, scientifique, littéraire, il faut aussi savoir l'imposer dans différents réseaux de légitimation et de consécration : la recherche, l'enseignement ou l'édition.

Les philosophes de l'Antiquité, Aristote, Platon, et après eux les grands moralistes de l'époque classique, comme Montaigne ou La Rochefoucauld, n'ignorent pas le caractère social de l'être humain. Mais ils le considèrent généralement comme une faiblesse. La recherche d'approbation des autres humains est une coupable vanité ; le sage doit atteindre l'autosuffisance. Il faut attendre le milieu du xviiie siècle, avec le reflux des privilèges et l'émergence de la notion de dignité de l'individu, pour que des philosophes affirment le besoin inné de reconnaissance de l'humain.

Loin de n'être qu'une technique de reproduction du réel, la photographie a depuis ses débuts aspiré à devenir une oeuvre d'art. Mais cette reconnaissance n'a pu être obtenue qu'en se pliant aux règles du marché des beaux-arts.

Gagner sa vie, s'épanouir personnellement ou être reconnu socialement: telles sont les trois motivations de l'individu au travail.

La recherche de reconnaissance professionnelle peut se faire au prix d'une souffrance morale. Telle est la thèse avancée par Christophe Dejours, directeur du Laboratoire de psychologie du travail au Cnam.

La motivation au travail est un processus complexe qui fait intervenir autant les dimensions individuelles (image de soi, ambition...) que les caractéristiques de l'organisation (contenu des tâches, ambiance du travail, etc.). Irréductible à quelques recettes simples, la motivation du personnel se gère et se reconstruit en permanence à partir de multiples stratégies.

Comment les intellectuels accèdent-ils à la reconnaissance de leurs pairs et à la notoriété publique? Des cénacles parisiens du xixe siècle aux réseaux institutionnels et médiatiques d'aujourd'hui, les conditions de production et de diffusion des idées se sont beaucoup complexifiées.