Générations : guerre impossible, paix improbable ?

Le classique qui polarise les débats

Depuis sa parution en 1998, Le Destin des générations oriente et polarise les débats français sur un possible « déclassement générationnel ». Dans cet ouvrage plusieurs fois réédité (la dernière fois en 2014 aux PUF), le sociologue Louis Chauvel analyse le « bizutage » économique subi par les générations arrivées sur le marché du travail après 1975 en comparaison des natifs des années 1940, portés par « une vague montante qui se brise derrière eux ». Une thèse toujours discutée aujourd’hui : d’autres chercheurs avancent à l’inverse l’idée qu’aucune génération n’a été désavantagée par rapport à la précédente.

Comprendre ce qu’est une génération

Plusieurs ouvrages de synthèse permettent de saisir la complexité du concept de « génération ». Dans Âges et générations (La Découverte, 2015), le sociologue Gérard Mauger revient en détail sur les définitions et usages sociaux de ces deux concepts. La sociologue Cécile Van de Velde a signé la même année une Sociologie des âges de la vie (Armand Colin) où elle développe la façon dont des États envisagent ces âges selon qu’ils sont plutôt libéraux ou sociaux-démocrates. Spécialiste de la jeunesse, Olivier Galland est l’auteur d’une Sociologie de la jeunesse (7e éd., Armand Colin, 2022) qui revient sur la place cruciale que cette dernière occupe dans l’analyse des âges de la vie et des générations.

Explorer les valeurs des jeunes

• L’après-pandémie de covid-19 s’est avérée riche en travaux sur l’évolution des valeurs des jeunes générations, comme Avoir 20 ans en 2020. Le nouveau fossé des générations (Odile Jacob, 2020) des sociologues Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen ou La Fracture. Comment la jeunesse d’aujourd’hui fait sécession : ses valeurs, ses choix, ses révoltes, ses espoirs…, rédigé par Frédéric Dabi en collaboration avec Stewart Chau (Les Arènes, 2021). Signalons aussi deux ouvrages collectifs, Générations désenchantées ? Jeunes et démocratie, dirigé par Laurent Lardeux et Vincent Tiberj (La Documentation française, 2021, disponible gratuitement en ligne) et Jeunesses françaises contemporaines, dirigé par Anja Durovic et Nicolas Duvoux (CNRS Éditions, à paraître le 24 octobre 2024).

Débattre de la guerre des générations

La question du conflit des générations s’avère tellement brûlante que deux livres sur le sujet, parus à cinq années d’écart, portent exactement le même titre : La guerre des générations aura-t-elle lieu ? Le premier paru, signé du sociologue Serge Guérin et du philosophe Pierre-Henri Tavoillot (Calmann-Lévy, 2017), répond plutôt « non » à cette question : nous ne voulons pas nous battre entre générations. Le deuxième, écrit par l’essayiste et entrepreneur Frédéric Monlouis-Félicité (Manitoba, 2022), se montre plus alarmiste et appelle à une remise à plat « générale » sous peine que la jeunesse « porte malheur à ceux qui l’ont trop négligée ».

Des ouvrages en anglais sur le conflict of generations

À la pointe sur l’« étiquetage » des générations, les pays anglo-saxons ont livré une production riche et diverse sur le sujet. Sur les différences (supposées) de valeurs entre générations, on peut lire la psychologue Jean Twenge et son Generations. The real differences between gen Z, millennials, gen X, boomers, and silents – and what they mean for America’s future (Atria Books, 2023) ou le politiste Kevin Munger, avec Generation Gap. Why the baby boomers still dominate American politics and culture (Columbia University Press, 2022). Plusieurs ouvrages intéressants alertent quant à eux sur l’impasse de l’opposition générationnelle, comme Stop Mugging Grandma. The « generation wars » and why boomer-blaming won’t solve anything (Yale University Press, 2019) et The Generation Myth. Why when you’re born matters less than you think (Basic Books, 2021), respectivement signés par les sociologues britanniques Jennie Bristow et Bobby Duffy.

Dans les archives de Sciences Humaines (www.scienceshumaines.com)

Ces dernières années, nous avons consacré plusieurs dossiers à la question des âges de la vie, de leurs (souvent complexes) relations et de leur (parfois périlleux) enchaînement. Le n° 6 de nos Grands Dossiers (automne 2006) était ainsi intitulé « Une société face à sa jeunesse », quelques mois après les émeutes de 2005 et en pleine interrogation, déjà, sur l’émergence d’une « fracture générationnelle ». En février 2012, notre mensuel n° 234 sondait une jeunesse en pleine ébullition, confrontée au défi d’« inventer sa vie », et dont l’indignation résonnait sur les places des grandes villes du monde entier. Enfin, le Grands Dossiers n° 47 (été 2017) était consacré aux bouleversements des âges de la vie, avec notamment des entretiens avec les psychologues Arlette Streri et Patrick Doucet et l’ethnologue Marc Augé.