La conscience emmurée

État végétatif, état de conscience minimale, locked-in syndrome : pour ces patients gravement cérébrolésés, les erreurs de diagnostic ne sont pas rares. En résultent d'épineux problèmes éthiques, et de nouvelles questions. Par exemple, peut-on communiquer avec les patients disposant d'une conscience résiduelle ?

État végétatif, état de conscience minimale, locked-in syndrome : pour ces patients gravement cérébrolésés, les erreurs de diagnostic ne sont pas rares. En résultent d'épineux problèmes éthiques, et de nouvelles questions. Par exemple, peut-on communiquer avec les patients disposant d'une conscience résiduelle ?

 

En 2002, Joseph Giacino, du New Jersey Neuroscience Institute, montra qu'à côté de l'état végétatif existait une autre entité, l'état de conscience minimale, et qu'on avait eu tort de les assimiler l'un à l'autre. Dans l'état de conscience minimale, le sujet est incapable de suivre de manière « consistante » des instructions simples, mais a néanmoins une conscience fluctuante de son environnement. Par exemple, il pourra exécuter de temps à autre des mouvements volontaires ou sourire à des proches ; en revanche, il ne parviendra jamais à communiquer ses pensées. Contrairement à lui, le patient en état végétatif (ou, selon la nouvelle terminologie, moins péjorative, en syndrome d'éveil non-répondant) n'est pas conscient du monde extérieur.

La limite entre ces deux entités est cependant difficile à cerner par le seul examen de la réponse motrice du sujet cérébrolésé, de sorte qu'une zone de gris nimbe parfois les diagnostics posés « au bord du lit ». Plusieurs études entreprises ces dernières années ont d'ailleurs mis en évidence que, pour les états de conscience très altérés, le diagnostic basé sur un examen clinique classique était erroné une fois sur trois, voire deux fois sur cinq (1). Ainsi, certaines personnes sont déclarées en état végétatif/non-répondant, alors qu'elles se trouvent en état de conscience minimale ou même en locked-in syndrome (voir encadré p. XX), c'est-à-dire dotées d'une conscience intacte dans un corps désespérément immobile.

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« Tout indique que les états altérés de conscience, loin de ressortir au monde du noir et blanc, s'inscrivent sur un continuum », précise le professeur Steven Laureys, directeur du Coma Science Group, centre de recherche qui rassemble, dans le giron de l'Université et du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Liège, des neurologues, des neuropsychologues, des biologistes, des physiciens, des ingénieurs et des mathématiciens.

 

Des outils cliniques standardisés

 

Autre élément interpellant, une étude émanant de ce groupe a montré que, contrairement aux patients en état végétatif/non-répondant, les patients en état de conscience minimale ressentent la douleur et des émotions (2) ; il convient donc de leur délivrer des médicaments antalgiques.