En 2000, les Européens lancent la stratégie de Lisbonne, destinée à installer l’Union au sommet de l’économie mondiale de la connaissance. L’ambition est généreuse : l’Europe doit devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici 2010.
Le regard rivé, comme de coutume, sur le rival américain, ils n’accordent que peu d’attention à ce qui se passe en Asie. Il a fallu attendre les rapports successifs des anciens Premiers ministres des Pays-Bas et de la Finlande, Wim Kock (2004) et Esko Aho (2006), réalisés pour l’Union européenne, pour que l’on prenne la mesure de ce qu’il faut bien appeler le défi asiatique. C’est en 2006 que la très respectée National Science Foundation (NSF) publie les premières statistiques sur la réduction du nombre de doctorants asiatiques formés aux États-Unis. Une diminution qui apparaît inversement proportionnelle à l’augmentation du nombre de doctorants asiatiques formés… en Asie. C’est là un véritable déplacement des pôles de compétences. Bref, les États-Unis ne sont plus en mesure d’attirer les chercheurs dont ils ont besoin. En Europe, les groupes de réflexion – think tanks – font le même constat. L’un d’entre eux, le groupe Demos, soutenu par le gouvernement britannique, a publié début 2007 les premiers Atlas de la connaissance en sélectionnant trois pays, Chine, Inde et Corée du Sud, pour illustrer l’essor de la recherche scientifique en Asie. L’idée est simple : montrer l’urgence de la situation et donner des moyens à la Grande-Bretagne pour engager les réformes nécessaires du système de recherche britannique afin de s’adapter à la mondialisation de la science.
Alors que l’investissement dans la recherche représente 1,34 % de son PIB, la Chine pourrait bien dépasser l’Union européenne avant 2010, soit l’échéance fixée par la stratégie de Lisbonne. Plus problématique encore, comme le constate l’OCDE dans son rapport très récent – août 2007 – sur la stratégie de l’innovation en Chine, la nouvelle dynamique au niveau de la formation des chercheurs est le cœur du nouvel . Avec un rythme de progression de 25 % par an, le nombre d’étudiants chinois est appelé à passer de 2,7 millions en 2005 à plus de 5 millions en 2009. Le nombre de chercheurs a pratiquement doublé entre 1996 et 2004 (contre 20 % d’augmentation en Europe), dépassant le Japon et atteignant un million de postes aujourd’hui. Plus déterminant encore, plus de 60 % des universitaires chinois étudient dans les domaines scientifiques, cruciaux pour l’innovation technologique. Qu’en sera-t-il de l’Inde ? Ce pays dont la population passera bientôt devant celle de la Chine forme déjà des ingénieurs recherchés dans le monde entier. Bref, l’Asie ne s’annonce plus seulement comme le nouvel atelier du monde mais bel et bien à terme comme le nouveau laboratoire planétaire. La France et les autres États européens se doivent de réagir à cette nouvelle donne. Avec le lancement du nouveau programme cadre européen de recherche, le PCRD7, en janvier 2007, et un budget de plus de 53,2 milliards d’euros pour 7 ans, l’Europe souhaite se positionner pour devenir « un aimant » de ces nouveaux talents. Pour les 27 États membres de l’UE, l’enjeu n’est pas uniquement de renforcer leurs actions avec ces pays asiatiques, mais surtout de gérer en synergie l’évolution de nos relations avec le continent le plus peuplé du monde.• « The new atlas of ideas: Mapping the new geography of science » Rapport Demos, janvier 2007. Disponible sur www.demos.co.uk/• « Le système national d’innovation de la Chine » Rapport de l’OCDE, août 2007. Disponible sur www.oecd.org/sti/innovation/reviews/china• Asia: Changing the world Novembre 2007, Verlag Bertelsmann Stiftung (ed.)