La monarchie plutôt que la république
Malgré son ton satirique et polémique, son premier ouvrage, Les Lettres persanes (1721), est un immense succès. Portrait incisif de la société française du xviie siècle, ces lettres touchent juste. Cette réussite encourage Montesquieu à visiter l’Europe. Il entreprend donc dans les années 1730, après son élection à l’Académie française, un tour des pays européens. Ce voyage marque profondément sa pensée. Il en revient avec deux ouvrages. Le premier, Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains (1734), raconte l’Empire romain, de sa naissance à sa fin, due selon lui à une trop grande extension. Dans la lignée du Discours sur l’histoire universelle de Bossuet (1681), cette œuvre est une sorte de prélude à ce qu’il exprimera dans son œuvre la plus célèbre, De l’esprit des lois (1748). Il y propose des principes politiques et sociaux qu’il a pu observer dans les autres pays, utiles à ses yeux pour assurer la pérennité d’un gouvernement modéré. Trop critique pour la société de son temps, l’ouvrage est interdit par l’Église mais vaut à son auteur d’être reconnu par les meilleurs esprits de son temps. Dans De l’esprit des lois , Montesquieu tente de dégager les principes fondamentaux des institutions politiques en analysant de manière comparative les différentes formes de gouvernement et de législation. Il s’interroge ainsi sur la diversité des lois humaines et sur leur apparence chaotique. Il entend notamment les rationaliser en les rattachant à des principes et des tendances qui forment un « esprit » particulier, propre à chaque nation. Pour Montesquieu, les lois sont ainsi déterminées par des facteurs naturels comme le climat, ou culturels comme les croyances. La chaleur du climat asiatique, avance ainsi Montesquieu, n’est pas sans liens avec la forme de gouvernement qui prévaut sur le continent, le despotisme. Une telle analyse paraît aujourd’hui un peu simpliste. Elle n’en était pas moins très appréciée du temps de Montesquieu. Ce dernier entend démontrer de cette manière que le gouvernement correspondant le mieux aux mœurs et aux climats modérés français est la monarchie. Reposant sur l’honneur, ce régime paraît plus facile à atteindre en France que la république fondée sur la vertu des cités grecques. L’objectif de Montesquieu est donc de proposer un gouvernement modéré qui saurait se maintenir tout en donnant le maximum de libertés aux individus. Ces dernières requièrent à ses yeux l’instauration de corps intermédiaires, qui éviteront aux individus de se retrouver seuls face à l’État. Tout monarque peut se muer en tyran si les institutions ne sont pas capables de l’en empêcher. À ses yeux, l’existence de contre-pouvoirs et la séparation des trois pouvoirs sont nécessaires pour limiter ce possible basculement dans le pire État. En définitive, seul le pouvoir peut contrebalancer le pouvoir.