Le développement progressif de l’intelligence chez l’enfant, ordonné par des stades, fait partie de la culture du 20e siècle comme l’atome ou la pasteurisation… En effet, le psychologue Jean Piaget (1896-1980), actif pendant quarante ans au Bureau international de l’éducation de l’Unesco, a influencé la pédagogie et la représentation de l’enfant, bien qu’il ne puisse être considéré comme un théoricien de l’éducation.
Très tôt dans le 20e siècle, Piaget, biologiste à l’origine, se forme au contact des principaux courants de la psychologie de l’enfant, science alors en constitution. Dès 1921, il est assistant d’Édouard Claparède à l’institut Jean-Jacques-Rousseau de Genève, devenu depuis faculté des sciences de l’éducation. Claparède est à la fois l’inventeur de la psychologie fonctionnelle, qui considère que le développement psychologique s’appuie sur le besoin ou un intérêt, et du mot d’ordre selon lequel l’enfant doit être mis « au centre des apprentissages ».
Pour cela, l’institut se veut à la fois centre de recherche, école et lieu de formation à la psychopédagogie. Jean Piaget a auparavant travaillé à l’élaboration des tests psychologiques au laboratoire de Théodore Simon, coinventeur de l’échelle métrique de l’intelligence avec Alfred Binet. Au contact des enfants, Piaget a ressenti le besoin d’une « embryologie de l’intelligence », une théorie qui permettrait de comprendre la formation du raisonnement.
Une théorie constructiviste* de l’intelligence
Dans les années 1920, deux grands courants dominent la psychologie : la psychologie de la forme (Gestaltpsychologie*) pour laquelle le cerveau contient des structures innées sur lesquelles viennent se greffer les connaissances ; et le béhaviorisme*, qui voit l’esprit comme une « cire molle » sur laquelle s’inscrivent les apprentissages. Autrement dit, partisans de l’inné contre partisans de l’acquis. Piaget va bouleverser cette opposition en inventant un nouveau cadre théorique de référence : le constructivisme*. Pour lui, l’individu construit ses connaissances par ses propres actions : le développement de l’intelligence est le fruit d’un processus d’adaptation, dans lequel interagissent les structures mentales (l’inné) et la prise en compte du monde extérieur (l’acquis). Tout organisme vivant cherche à assimiler les données de son environnement pour vivre ; mais lorsqu’il rencontre une difficulté, il doit accommoder ses structures mentales pour pouvoir de nouveau assimiler ces données. C’est ce que Piaget appelle le processus d’« assimilation-accomodation », qui permet à l’individu d’enrichir sa capacité d’action.