Ce livre d’entretiens avec le sociologue Armand Mattelart présente un double intérêt. D’abord, il explicite la pensée de celui qui, en quarante ans de recherches, a retracé l’histoire de ce qu’il appelle « la communication-monde », s’inspirant en ceci de Fernand Braudel. À travers ses nombreux livres, dont Penser les médias et L’Invention de la communication, A. Mattelart développe l’idée que « l’idéologie de la communication sans limite prend le pas sur l’idéologie du progrès infini », et transforme de la sorte notre mode de pensée. « La force fait place au flux (…), la verticalité à l’horizontalité, la stabilisation au renouvellement permanent, la causalité linéaire à la causalité circulaire », écrit-il.
Ce livre permet par ailleurs de retracer l’itinéraire de ce penseur hétérodoxe. Ou comment un jeune Belge né avant la guerre s’est retrouvé chercheur dans le Chili de l’Unité populaire dont il a été expulsé lors du coup d’État de 1973, a mis dix ans avant de devenir professeur à l’université Rennes-II puis à Paris-VIII. Cette grande mobilité, avec son ancrage très fort en Amérique latine, n’est sans doute pas étrangère à sa capacité à penser la « globalisation de la communication ».