« La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité. » Cette citation illustre doublement la réalité dans laquelle nous vivons : outre les luttes acharnées pour imposer une vision de la vérité ou une autre – par exemple les débats actuels sur la légitimité des actions d’Israël et du Hamas –, la phrase est elle-même souvent présentée dans un faux contexte. Beaucoup l’attribuent en effet à Rudyard Kipling, Sun Tzu et à bien d’autres, alors qu’elle provient de la préface de La Vérité et la Guerre écrite par Philip Snowden (aucun lien de parenté avec Edward Snowden).
Si cette erreur peut paraître anecdotique, elle démontre à quel point il est facile de perdre des parcelles de vérité dans l’indifférence, surtout lorsque de nombreuses sources sur le Web paraissent confirmer. Et c’est précisément un des ressorts sur lesquels de nombreux acteurs géopolitiques s’appuient pour tenter de remporter des victoires dans ce qui est devenu une guerre généralisée pour les esprits.
Les luttes d’influence ne sont pas nouvelles, bien qu’elles explosent au 20e siècle, avec des exemples marquants comme le ministère de la Propagande nazi ou les « mesures actives » du KGB, actions clandestines visant à influencer les événements mondiaux pendant la guerre froide. Parmi celles-ci, le cas le plus emblématique est l’opération « Infektion » devant faire croire au monde que l’armée américaine avait développé le sida en laboratoire pour s’en servir comme arme (1). Bien que le service de renseignement extérieur russe (SVR) lui-même ait dévoilé la supercherie après l’effondrement de l’URSS, elle reste au cœur de théories du complot qui circulent toujours en ligne.