« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles… » Le sonnet d’Arthur Rimbaud évoque la synesthésie, qui fait associer de manière irrépressible une lettre à une couleur, parfois à un son… Des psychologues écossais viennent de fournir des données chiffrées sur le phénomène, après avoir testé 615 enfants de 6 à 7 ans répartis dans 21 écoles d’Angleterre et d’Ecosse. Suivant leurs estimations, 1,3 % d’entre eux présenteraient une synesthésie associant lettres et couleurs. Le chiffre est plus important qu’il n’y paraît puisqu’en l’extrapolant, les auteurs ont calculé que 170 000 enfants et adolescents jusqu’à 17 ans pourraient être des synesthètes lettres/couleurs au Royaume-Uni, et 930 000 aux Etats-Unis. Plus surprenant peut-être, au bout d’un an les enfants synesthètes ont renforcé leurs associations, c’est-à-dire que par exemple à la lettre L correspond la couleur rouge avec davantage de constance. Avec le temps, un jeune synesthète pourrait donc stabiliser ses correspondances lettres/couleurs d’après un code qui lui serait propre, et permanent. Des recherches antérieures laissaient entendre que la synesthésie était un phénomène neurologique relativement commun chez les enfants en bas âge, décroissant avec l’âge, et ne persistant que chez 2 % des adultes. Cette nouvelle étude montre pourtant qu’elle pourrait se renforcer temporairement chez les enfants suivant leurs apprentissages : ce qui expliquerait ainsi, chez certains, cette perception colorée des lettres à l’âge où ils apprennent à lire.
Julia Simner et al., Early detection of markers for synaesthesia in childhood populations. Brain 132(1), 57-64
Julia Simner et al., Early detection of markers for synaesthesia in childhood populations. Brain 132(1), 57-64