Le vieillissement de la planète, quelles conséquences ?
Depuis 2018, le monde a passé un cap : les plus de 65 ans sont désormais plus nombreux que les moins de 5 ans. Alors qu’ils n’étaient que 6 % de la population en 1990, ils sont aujourd’hui 9 % de la population mondiale, du fait de l’allongement de la durée de la vie et de la chute de la fécondité dans de nombreux pays. Cette proportion devrait être d’environ 16 % en 2050. L’espérance de vie à la naissance, qui est actuellement de 72 ans (74 ans pour les femmes et 70 ans pour les hommes), pourrait atteindre 77 ans en 2050 (respectivement 79 et 74,5 ans).
La première conséquence du vieillissement est un ralentissement de la croissance économique, par manque de main-d’œuvre, déficit d’investissement, et surcroît de dépenses sociales. C’est notamment le cas d’une cinquantaine de pays dont la population va décliner dans les années qui viennent, notamment en Europe de l’Est et du Sud ainsi qu’en Asie de l’Est. Mais ce vieillissement n’est pas seulement négatif. Car il résulte en partie de… la baisse de la mortalité, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Et si l’espérance de vie en bonne santé tend à stagner, on vit mieux à 70 ans qu’au 19e siècle, lorsque le chancelier Bismarck fixa cette échéance lors de la création du premier système de retraites. Les seniors ne sont plus seulement une charge : ils travaillent, consomment, créent, inventent. Comme le souligne Hervé Le Bras : « L’esprit d’innovation, l’adoption de nouvelles techniques et de nouveaux modes de pensée dépendent de l’organisation sociale, et non de la biologie ou du nombre 1. »
La « paix gériatrique »
Les pays les plus âgés n’en devront pas moins arbitrer entre acceptation du déclin démographique – avec ses conséquences économiques et politiques – et réformes majeures – avec leurs implications sociétales et culturelles. Entre 2020 et 2045, la population des Chinois de plus de 65 ans va plus que doubler et représenter alors un quart de la population. Cette charge sera difficilement supportable pour un pays qui ne fait plus d’enfants.
Autre conséquence probable : un apaisement des relations sociales, car un monde plus âgé pourrait être plus pacifique. C’est l’hypothèse que certains ont appelé la « paix gériatrique ». L’abaissement de la fécondité et l’achèvement de la transition démographique peuvent laisser espérer, à moyen terme, une diminution de la violence collective (celle-ci diminuant significativement à partir du moment où la fécondité assure le simple remplacement des générations). Des chercheurs ont ainsi prédit une décroissance progressive de la conflictualité interne, notamment en Afrique subsaharienne, d’ici 2050.
Le risque de conflit interétatique pourrait diminuer lui aussi. Il existe en effet une corrélation entre âge médian et état de la démocratie. Or l’une des rares lois vérifiées de la science politique est que, toutes choses égales par ailleurs, les démocraties ne se font pas la guerre (« paix démocratique »). Des sociétés modernes et âgées pourraient aussi être moins enclines à l’aventurisme militaire extérieur.
Rappelons enfin qu’à l’horizon 2050, les deux principales grandes puissances, dont la vitalité démographique devrait être accompagnée par un certain dynamisme économique, pourraient être les États-Unis et l’Inde – deux démocraties. Cette perspective d’apaisement de la vie internationale n’est qu’une projection, mais elle est basée sur des indicateurs robustes.
La « bombe P » a-t-elle été désamorcée ?
En 1969, le pessimiste Paul Ehrlich annonçait une « bombe P » dans un ouvrage du même nom : la population mondiale allait exploser, ce qui provoquerait une famine mondiale par manque de ressources. Force est de constater aujourd’hui que la « bombe P » n’a pas explosé et n’explosera pas dans les années à venir.
En effet, plus ou moins rapidement, la plupart des pays qui se modernisent connaissent une transition démographique (Sciences Humaines, n° 272) : ils passent d’une situation équilibrée où la population stagne, voire s’accroît légèrement, à cause d’une forte fécondité et d’une forte mortalité, à une autre situation d’équilibre, caractérisée par une faible mortalité et une faible fécondité.
Première étape de cette transition, la mortalité diminue grâce au développement économique, aux progrès de la santé publique et à l’agriculture qui devient plus productive, ce qui limite les famines. Par contre, la fécondité reste forte. Il en résulte un accroissement de la population, celui-là même qui a fait craindre à P. Ehrlich une explosion démographique mondiale.
Diagnostic erroné puisque la modernisation conduit aussi à une meilleure éducation des femmes et à la maîtrise de leur procréation. La fécondité diminue, ce qui ralentit l’accroissement démographique. Le pic de la croissance de la population est aujourd’hui dépassé depuis longtemps. Alors qu’il était de plus de 2 % dans les années 1965-1970, il n’est plus que de 1,1 % par an. La fécondité était de 3,9 enfants par femme dans les années 1975-1980, elle est aujourd’hui de 2,4 et pourrait passer à moins de 2 d’ici à la fin du siècle.