Le rôle des victimes

Dès le début des persécutions, nombre de victimes écrivent sur leur quotidien, souvent pour témoigner des horreurs qu’elles subissent. Ces récits prennent notamment la forme de journaux intimes, comme ceux d’Anne Franck, Janusz Korczak, Victor Klemperer, David Cierakowiak, Etty Hillesum, Hélène Berr, Jacques Biélinky ou Louise Jacobson (sous forme de lettres), pour n’en citer que quelques-uns.

Après la guerre, la volonté de témoigner des rescapés donne également lieu à de nombreux récits autobiographiques, comme ceux de Primo Levi (Si c’est un homme) ou Elie Wiesel (La Nuit). Des déportés politiques tels Jorge Semprun (L’Écriture ou la Vie), Robert Antelme (L’Espèce humaine) ou David Rousset (L’Univers concentrationnaire et Les Jours de notre mort) qui dévoilent également leur expérience des camps. Ces textes difficiles et bouleversants posent tous la question des limites de la parole confrontée à l’horreur : comment dire l’indicible ? Que peut l’écriture ? Les victimes disparues hantent aussi l’œuvre de certains auteurs, comme Georges Pérec ou Jean-Claude Grumberg – tous deux orphelins de la Shoah –, ou encore Patrick Modiano. Mais du côté des universités, la valeur historique des témoignages de survivants n’est reconnue que tardivement. Ainsi, il faut attendre les années 1980 pour qu’une université américaine (Yale) lance une collecte de témoignages audiovisuels dans le monde entier, supervisés en France par l’historienne Annette Wieviorka et Henri Borlant, survivant de la Shoah 1. La fondation créée en 1994 par Steven Spielberg (à la sortie du film La Liste de Schindler) poursuit une démarche similaire, mais à une échelle encore plus large : au total, elle a recueilli près de 55 000 témoignages dans 62 pays 2. Depuis quelques années, elle couvre aussi d’autres génocides (Arménie, Rwanda, Cambodge) ou massacres (Nankin en 1937-1938).