À la recherche d'un monde perdu

Les Phéniciens. Une civilisation méditerranéenne, Corinne Bonnet, Élodie Guillon et Fabio Porzia, Tallandier, coll. « Texto », 2022, 288 p., 10 €.

16655713800_Les-Pheniciens.jpg

Des Phéniciens, on entend souvent dire qu’on sait très peu de choses : ils ont inventé l’alphabet (c’est faux) ; ils vivaient dans l’actuel Liban (partiellement vrai) ; ils ont fondé Carthage (exact) ; c’étaient des marchands roublards (un cliché xénophobe qui nous vient de l’Antiquité) ; et ils sacrifiaient leurs enfants à Moloch (pas prouvé). Leurs écrits, déposés sur papyrus, ont disparu, si bien que, comme les Gaulois, ils n’ont survécu qu’à travers les récits de leurs voisins, plus ou moins bienveillants. On ne sait pas comment ils s’appelaient vraiment, ni s’ils se voyaient comme une nation. Pourtant, malgré l’instabilité chronique de la région, des archéologues, historiens, épigraphistes et philologues ont travaillé sur leurs traces, et la somme de leur labeur est réunie dans ce livre. On suit sur plusieurs siècles le développement de cette « constellation de petits États territoriaux, centrés sur des villes-capitales et dirigés par un roi (ou une dynastie) ». On admire leur résilience, eux qui avaient le tort de vivre sur un axe économique en proie aux appétits des grandes puissances. Passant d’un souverain à l’autre, se révoltant parfois, ils ont su garder une certaine autonomie. Leur culture cosmopolite, fruit d‘une hybridation permanente, témoigne d’une « civilisation mobile et fluide, adaptative et créative ». Ils sont la preuve, affirment les auteurs, « que les civilisations voyagent, vivent, se transforment et s’enrichissent au contact les unes des autres ».