Que peut vraiment la psychothérapie face à la maladie grave ? Personne ne peut répondre à cette question, hormis les patients eux-mêmes. Car le rapport à la maladie et les représentations que chaque malade s’en fait sont une affaire intime. Si intime que pour certains, il n’est pas question d’exposer à quiconque, même pas et parfois surtout pas à un psy, les angoisses qui en résultent. C’est le cas de Xavier, qui refuse catégoriquement d’être suivi psychologiquement après un infarctus du myocarde qui le contraint pourtant à vivre dans une anxiété permanente, affaibli physiquement et moralement, avec des difficultés conjugales liées à la surprotection de sa femme qui, lui semble-t-il, agit désormais avec lui davantage comme une infirmière que comme une partenaire.
Alors, pour lui, un psy en plus ? Sans doute pas, malgré un stress post-traumatique décelé par son généraliste. Certains font sans, d’autres avec mais rien ni personne ne peut prédire le moment où cette aide, parfois écartée au départ, puis réclamée soit par le patient, soit par les équipes soignantes, soit par l’entourage, entrera en jeu.
« Pas miraculeux, mais ça aide »
Nous rencontrons Annette qui accepte de parler de sa ou plutôt de « ses maladies », comme elle le dit, puisque ce « satané crabe » revient à peu près tous les deux ans, « ailleurs », depuis dix ans : « Au début, une fois passée la douche froide quand un médecin m’a annoncé sans ménagement suite à une coloscopie que j’avais un cancer, je me suis dit que j’allais me battre, qu’il ne m’aurait pas. Et j’envoyais valser mes pensées négatives dès que j’en avais une parce que bien sûr, je me faisais tous les scénarios possibles, toujours les pires. Mais j’ai décidé non pas d’ignorer la maladie mais de lui trouver une place qui ne me bouffe pas tout entière. J’ai suivi tous les protocoles, de façon quasi mécanique, tant bien que mal moralement. Au bout de deux ans, j’ai vécu ma première rémission. Et curieusement, c’est là que je me suis effondrée une première fois. J’aurais dû être heureuse d’en sortir mais j’avais organisé ma vie avec la maladie et d’un coup, c’était comme si elle me lâchait pour faire place à la peur qu’elle ne revienne. Et elle est revenue, deux ans plus tard. Là, je n’ai pas pu lutter, je n’ai pas pu faire face, je ne voulais même plus me soigner. C’est mon mari qui m’a poussée à demander de l’aide psychologique. Et qui m’a accompagnée et m’accompagne toujours. Depuis, je suis suivie. Ce n’est pas miraculeux bien sûr, mais ça aide. »
Une aide qui n’est jamais automatique, même quand les patients sont suivis ou hospitalisés en institut. À l’Institut Gustave Roussy, par exemple, les seuls patients atteints de cancers systématiquement suivis sont les enfants, avec leurs parents, les adolescents, les jeunes adultes et les patients suivis en génétique, pas encore atteints d’une pathologie mais pour lesquels s’annoncent par exemple des interventions prophylactiques nécessitées par une mutation génétique. Et puis, aussi, les patients vulnérables, ceux dont les médecins ont pu repérer qu’ils cumulaient une précarité sociale, des antécédents psychiatriques et l’expression d’idées suicidaires. Pour tous les autres, l’accompagnement psy arrivera ou pas, à n’importe quel stade de la maladie, et sur demande soit du patient lui-même, soit de l’équipe soignante lorsqu’elle aura perçu qu’un syndrome dépressif ou anxieux peut entraîner un refus de soins.