Abraham Maslow ? Le nom évoque presque automatiquement la fameuse « pyramide des besoins », si visuelle, et la théorie de la motivation, ébauchées dès les années 1940 (Psychological Review, juillet 1943), avant d’être progressivement finalisées jusqu’à la mort du maître en 1970. Besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance et d’amour, d’estime, puis d’accomplissement de soi, savamment hiérarchisés et organisés dans une dynamique de progression : le principe est au cœur de la psychologie humaniste que Maslow (1908-1970) a contribué à lancer et qui s’appuie sur une vision positive des êtres humains, sur l’idée d’une possible croissance personnelle et collective. Pour un monde meilleur. Elle aurait engagé une véritable révolution, tant dans les domaines de la psychologie et de la thérapie que dans ceux de l’entreprise et du management, mais également de la philosophie et de l’épistémologie.
Le déclic
New-York, 1908. Naissance d’Abraham Maslow, loin de l’intense vie culturelle du début du XXe siècle et des hautes sphères universitaires. Fils aîné d’immigrés russes, il ne tarde pas à souffrir d’être le seul juif de l’entourage. Il est très solitaire, excessivement timide et ne s’aimait pas, apprend-on dans la courte biographie du psychologue Robert Frager 1. Ses parents ne sont pas allés à l’école, mais l’encouragent à étudier pour qu’il devienne un jour avocat. Fausse route : après une semaine de cours à la faculté de droit, il décide d’arrêter pour « tout étudier », dit-il à son père qui ne comprend pas sa « rage d’apprendre ». Brillant, il peut effectivement tout faire et son QI de 195, évalué plus tard, aurait été le deuxième jamais mesuré à l’époque. Il opte pour la psychologie et part à l’université du Wisconsin où il obtient son diplôme en 1928 puis son doctorat en 1934.
Il se consacre un temps à la recherche expérimentale auprès d’Harry Harlow qui étudie les primates, avant de rejoindre Edward Thorndike à la Columbia University pour découvrir la force du béhaviorisme, puis d’enseigner au Booklyn College de New York à partir de 1937.
Freud l’inspire aussi en lui montrant notamment l’importance de la sexualité dans les rapports sociaux. Mais le béhaviorisme systématique, comme la sombre psychanalyse « du sous-sol de la cave », pour citer Aldous Huxley, le laisseront insatisfait. Il aspire à plus de créativité et de lumière. C’est finalement en fréquentant l’anthropologue Ruth Benedict, et le fondateur de la psychologie de la gestalt (ou de la forme) Max Wertheimer, qu’un déclic se produit. Maslow est subjugué par leur intelligence et leur humanité. Il prend des notes sur eux pour saisir le secret de leur rayonnement, d’abord de manière informelle. Puis il constate que ces cas ne sont pas isolés. « Tandis que je cherchais à comprendre, que je réfléchissais sur eux, je réalisai dans un moment d’émerveillement que leurs deux schémas se prêtaient à la généralisation », rapporte-t-il à plusieurs reprises lors de conférences, ou dans son ouvrage posthume Être Humain (1971).