Ils étaient 100 000 en 1990 à exercer en France le métier de marin pêcheur. Ils ne sont plus que 28 000 aujourd'hui, tous types de pêche confondus, dont à peine 15 000 qui en vivent à temps complet, en embarquant plus de neuf mois par an. Et cette tendance à la baisse devrait se poursuivre, Bruxelles prévoyant, pour l'ensemble de l'Union européenne, la suppression de 28 000 emplois dans le secteur d'ici 2006. La rationalisation du métier n'est cependant pas seule en cause dans cette diminution des effectifs : malgré l'amélioration des conditions de travail, le métier de pêcheur, l'un des plus difficiles et dangereux, suscite moins de vocations.
On lit d'autant plus volontiers cette exploration d'un monde en sursis que le style de l'auteur, une jeune géographe à laquelle on doit déjà une exploration des musées africains (Les Etats africains et leurs musées, L'Harmattan, 1997), justifie pleinement sa publication aux éditions Hachette Littératures. En outre, Anne Gaugue n'ignore manifestement rien des techniques et savoir-faire, d'hier et d'aujourd'hui, ni du jargon et des rites encore en vigueur sur les bateaux pourtant truffés d'électronique. Les témoignages recueillis auprès de plusieurs pêcheurs, sur différents quais, de la mer du Nord à l'Atlantique laissent de surcroît percevoir la motivation ultime qui leur permet de tenir, contre vents et marées : un esprit épris de liberté, d'autant plus affirmé que le pêcheur d'aujourd'hui agit de plus en plus sous la contrainte de réglementations de toutes sortes et sous l'emprise d'une rationalité économique qui le dépasse parfois.