Alexandre Stevens : Pourquoi j'ai porté plainte contre Sophie Robert

Depuis six mois, le documentaire Le Mur, de Sophie Robert, a mis le feu aux poudres dans la sphère psy : diffusé sur le site d'Autistes sans frontières, on y voyait des psychanalystes tenir des propos jugés d’un autre temps à propos des origines et de la prise en charge de l’autisme, accusant les parents d’avoir provoqué la « psychose » de leur enfant. Trois des analystes interviewés, Esther Solano-Suarez, Eric laurent et Alexandre Stevens, ont porté plainte en accusant Sophie Robert d’avoir manipulé leurs propos. La justice leur a donné raison sur ce point, interdisant à la documentariste (qui a fait appel) de continuer à présenter son film en l’état. Le Mur est désormais invisible. Nous avons déjà interviewé Sophie Robert. Pour la première fois, l’un des plaignants, Alexandre Stevens (déjà co-signataire d'une tribune libre sur notre site) revient lui aussi sur cette polémique.

Beaucoup de gens n’ont entendu parler de vous que lors de l’affaire du Mur. Pourriez-vous tout d’abord vous présenter, tout simplement ?

Je suis psychanalyste, psychiatre de formation. Je suis membre de l’Ecole de la Cause freudienne. Comme psychanalyste, je reçois surtout des adultes, mais j’ai fondé il y a une vingtaine d’années une institution pour enfants en grandes difficultés, le Courtil, qui se trouve en Belgique, à la frontière française, en bordure de la grande métropole Lille-Roubaix-Tourcoing. Cette fondation s’est faite à partir d’un IMP (institut médicopédagogique) à l’intérieur duquel nous avons créé un groupe plus spécialisé, qui s’est ensuite étendu à l’ensemble de cet IMP. Les enfants pris en charge sont en très grande majorité français.

Comment avez-vous été sollicité par Sophie Robert ?

Elle m’a téléphoné en m’expliquant qu’elle avait eu mon nom par d’autres collègues. A partir de mon expérience dans l’institution, elle voulait m’interviewer pour un documentaire en plusieurs parties sur la psychanalyse, particulièrement pour une partie clinique qui évoquerait parmi d’autres questions l’autisme. Après un entretien préliminaire à Paris, elle m’a interviewé chez moi, à Bruxelles, dans mon cabinet, pendant trois heures environ, avec son assistant. L’entretien s’est passé sans difficultés a priori, c’est-à-dire n’a rien laissé paraître de ses intentions malveillantes.

Quand avez-vous découvert le résultat ?

Quand le film a été diffusé sur Internet. Elle m’avait dit, ainsi qu’à mes collègues, qu’elle préparait le film pour la télévision, qu’elle nous le montrerait avant, mais qu’elle n’était pas certaine d’avoir les contrats. Je n’ai rien vu venir dans les mois suivants et j’ai simplement pensé qu’elle n’avait pas eu ses contrats. Des collègues m’ont signalé que le film était visible sur le site d’Autistes sans frontières. C’est là que je l’ai découvert.

Selon Sophie Robert, elle ne s’était pas engagée à vous présenter le documentaire avant sa diffusion.

Je regrette ! Elle ne m’a pas remis d’écrit le stipulant, certes, mais elle me l’a dit : « Bien entendu, je vous le ferai voir dès qu’il sera prêt, avant sa diffusion, sans doute au premier trimestre 2012. » Je ne le lui avais d’ailleurs pas demandé.