Algérie et Libye : l'exception pétrolière ? Rencontre avec Luis Martinez

Pays frontaliers, l’Algérie et la Libye partagent un point commun de taille : une rente pétrolière qui leur permet de résister aux contestations de la population. Mais l’avancée des revendications n’en est pas au même point : revendications étouffées dans un cas, guerre ouverte dans l’autre. Politiste et spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient, Luis Martinez est directeur de recherche au CERI. Il nous livre son analyse sur les points communs et divergences des mouvements de contestation en Algérie et en Libye.

Quel est l'état de la contestation depuis janvier en Algérie ?

La contestation actuelle en Algérie n’est pas différente de celle que l’Algérie connaît depuis une dizaine d’années ; c’est une contestation essentiellement sectorielle. Je m’explique : dans les différents secteurs de l’économie de l’Algérie, on a des revendications de type syndicales (amélioration des conditions de vie, de salaire, etc.) qui sont très liées à la prise de conscience que le gouvernement algérien dispose depuis 2003 de suffisamment de liquidités issues de la vente d’hydrocarbures pour l’exiger ou le contraindre à faire un transfert plus important. La contestation en Algérie pour l’instant n’a pas su basculer des revendications de type sectorielles vers une demande politique de changement de régime, de changement des règles politiques etc.

Pourquoi ? Sans doute parce que le régime a les moyens de satisfaire ces revendications pour des dépenses sectorielles, grâce à des transferts sociaux considérables. On estime que depuis 2003-2004, le régime arrive à transférer de 100 à 110 milliards de dollars. Ce sont des sommes colossales qui sont transmises, dont on ne voit pas forcément le gain pour les individus. Mais cela coupe un peu l’herbe sous les pieds de ceux qui voudraient utiliser le contexte des révoltes arabes pour pousser l’Algérie à des changements beaucoup plus importants sur le plan politique.

Le président algérien a annoncé au printemps des consultations en vue de réformes politiques. Quelles sont les suites de cette annonce ?

Pour l’instant, il s’agit plus de tractations que de projets politiques importants. L’annonce avait été faite dans le contexte des révoltes arabes et surtout des promesses royales au Maroc de changement de la constitution. Peut-être que l’Algérie ne souhaitait pas apparaître comme un pays figé, bloqué, ne voulant pas modifier les règles du jeu politique. Malheureusement pour la classe politique algérienne, on n’a pas le sentiment qu’il y ait une urgence à pousser l’Etat à engager des vraies réformes institutionnelles afin de rendre plus transparentes et plus représentatives les différentes formes de pouvoir en Algérie.

Où en est la contestation en Libye, plus de quatre mois après le début de l’intervention de l’OTAN ?