Alzheimer : qui va aider les aidants ? Entretien avec Véronique Lefebvre des Noettes

Qui sont ces aidants qui s’efforcent jour après jour de soulager les maux de leur parent atteint de la maladie d’Alzheimer ? La psychiatre Véronique Lefebvre des Noettes insiste sur l’importance de les soutenir pour leur éviter l’épuisement physique et émotionnel.


> Véronique Lefebvre des Noettes

Psychiatre, gériatre depuis trente ans au sein de l’hôpital Emile-Roux, dans le Val de Marne, plus grand centre de gériatrie d’Europe, enseignante et membre du conseil scientifique de l’Espace National d’éthique sur les maladies neurodégénératives et la maladie d’Alzheimer. Sa thèse de philosophie consacrée à la maladie d’Alzheimer a reçu le prix Pierre Simon en 2017. Elle est l’auteure d’Alzheimer : l’éthique à l’écoute des petites perceptions (Erès, 2018) et de Que faire face à la maladie d’Alzheimer ? (Editions du Rocher, 2019).


Soutenir jour après jour un proche atteint de la maladie d’Alzheimer est un combat chronophage et affaiblissant. A quels risques s’exposent les aidants ?

Le risque est élevé à la fois pour leur santé psychique et physique. Les recherches soulignent une prévalence plus élevée de dépression et de cancer chez ces aidants, qui se placent dans un rôle sacrificiel. Au point que le proche aidant lui-même finit parfois par décéder avant la personne qu’il soutient. Les aidantes ne prendront par exemple pas le temps de passer les mammographies conseillées à leur âge, ce qui les expose à un risque plus élevé du cancer du sein. Il faut compter en moyenne six ans de soutien avant que l’aidant accepte d’être lui-même aidé par des professionnels...

Justement, pourquoi les aidants tardent-ils autant à se faire eux-mêmes soutenir par des professionnels, au point de mettre leur propre santé de côté ?

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Ils sont tout d’abord convaincus d’être les seuls à pouvoir aider efficacement leur proche malade : « Il n’y a que moi qui connaît papa/maman ! », me répondent-ils souvent. Et puis n’oublions pas qu’en France, l’aide à domicile n’est pas gratuite : après déduction des aides, le reste à charge est d’environ 1 000 euros par mois pour la famille. La loi relative à l’Adaptation de la société au vieillissement (ASV), promulguée fin 2015, prévoit quelques jours de congé non indemnisés pour les aidants de personnes âgées, et un droit au répit de l’aidant qui peut être financé à hauteur de 500 euros par an. Ce qui est largement insuffisant au vu de l’investissement physique, humain et financier qu’implique ce rôle ! La législation française ne permet pas aux aidants naturels de solliciter une auxiliaire de vie à temps plein. Au-delà du coût, qui reste élevé, il est interdit d’embaucher une personne plus de 24 heures d’affilée sur une même semaine… Au Québec, la situation est plus simple, car ils pratiquent le « baluchonnage » : une personne vient toute la semaine, avec son « baluchon », au domicile de la personne Alzheimer pour s’occuper d’elle et ainsi relayer l’aidant.