Anne Marcelet : Qui sont les enfants précoces ?

On les appelle "intellectuellement précoces", "à haut potentiel", ou plus communément "surdoués". Ces enfants prodiges sont-ils bien dans leur peau ? Comment les repère-t-on ? Comment les accompagner, en famille ou à l'école ? Que deviennent-ils, une fois adultes ? Nous avons interrogé Anne Marcelet, présidente de l’ANPEIP (Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces).

On parle tantôt d’enfants intellectuellement précoces, tantôt d’enfants à haut potentiel, et plus souvent de surdoués. Ces termes sont-ils synonymes ?

Ils recouvrent la même chose. Autrefois on parlait plutôt de surdoués, mais le mot, trop positif, ne rendait pas compte des difficultés rencontrées par les enfants concernés. Pourquoi, en effet, s’intéresser à des enfants présentant, en théorie, beaucoup plus de facilités que les autres ? L’expression d’« intellectuellement précoce », quant à elle, rappelle que grâce à des tests, on identifie les enfants concernés par rapport aux performances de leur classe d’âge : ils sont en avance dans leur développement intellectuel. C’est particulièrement sensible au niveau du langage, très châtié, avec un vocabulaire précis et recherché : à trois ans, plutôt que « c’est bon », ils diront : « c’est délicieux, c’est succulent »… Surtout, leur fonctionnement cognitif est différent : ils analysent très vite la situation, donnent tout de suite des réponses qui leur paraissent évidentes mais dont ils ne saisissent pas eux-mêmes le cheminement. Au collège, où on leur demandera davantage qu’au primaire d’expliciter leur raisonnement, on pourra donc les soupçonner de tricher car eux-mêmes ne comprennent pas comment ils s’y prennent. Leur curiosité est insatiable, pour les livres comme pour la télévision ou les jeux. Dès qu’un nouveau sujet les intéresse, comme les animaux préhistoriques ou les astres, ils vont essayer de tout savoir sur le sujet, avec boulimie, puis passeront à autre chose. Cette précocité intellectuelle est souvent annoncée par une précocité psychomotrice : non contents de parler avec précocité, ils peuvent souvent se déplacer à quatre pattes puis marcher beaucoup plus tôt que les autres.

A-t-on une idée de leur nombre ?

Les statistiques parlent de 2,3 %, si on fixe le seuil à 130 de QI. De toute façon, l’analyse clinique et le recueil d'autres données psychologiques sont aujourd’hui également pris en compte. Le QI est considéré comme un simple indicateur parmi d’autres.

A partir de quel âge peut-on déceler les signes d’une précocité intellectuelle ?

Chez certains enfants, quelques marqueurs peuvent apparaitre dès la naissance : le bébé paraît très éveillé, il commence déjà à suivre du regard, semble reconnaître des silhouettes dès la maternité, s’intéresse à son environnement. A l’ANPEIP, si nous conseillons aux parents de tenir compte de tous ces indices, nous rappelons néanmoins que seul un bilan psychologique complet passé chez un psychologue ou un neuropsychologue peut relever une précocité intellectuelle. La grande diversité de leurs profils pourrait conduire à des jugements trop hâtifs et risquer de les enfermer dans une fausse identité. Dans la mesure du possible si le petit enfant n’est pas en souffrance, il est préférable de ne pas se précipiter et d’attendre l’âge requis pour passer le WISC-IV, l’évaluation étant plus précise.