En 1992, Annette Hefkens, une des premières femmes traders, est la seule survivante d’une catastrophe aérienne dans la jungle vietnamienne. Elle reste huit jours immobilisée près de l’épave avant d’être secourue. Elle en a tiré des leçons de vie qui l’ont aidée dans des épreuves ultérieures, y compris lorsqu’elle a appris que son fils était autiste. Elle raconte son parcours dans Turbulences. Le récit d’une survivante (Payot, 2016).
Quelles sont les circonstances de l'accident d'avion ?
Je rendais visite à mon fiancé, Willem, que j’appelais Pasje, au Vietnam. Il travaillait comme moi dans le secteur bancaire. Nous étions ensemble depuis 13 ans, et nous nous retrouvions sans cesse dans le monde entier. Je venais d'arriver à Ho Chi Minh, nous avions prévu une escapade romantique. Ce matin-là nous nous sommes levés trop tôt à mon goût, et quand j'ai vu l'avion, mon humeur ne s’est pas arrangée : moi qui détestais voler, je n'avais vraiment aucune envie de monter dans celui-là ! Mais Pasje m'a convaincue en prétendant que le vol ne devait durer que 20 minutes, et qu'il aurait été impossible de traverser rapidement la jungle par voie terrestre. Après 20 minutes, comme l'avion ne se posait toujours pas, il m'a dit : « Désolé, je devais te mentir sinon tu ne serais pas venue. » Puis il y a eu un grand trou d'air. Les gens étaient choqués. Pasje m’a regardée d'un air effrayé. Avec un engin pareil, je n'étais pas surprise : je n'ai pas paniqué, alors que je n'étais même pas attachée. Puis l'avion est de nouveau tombé. Pasje m'a pris la main, et tout est devenu noir. Je me suis réveillée dans le fuselage. Il y avait la jungle à la place du cockpit. J'étais écrasée par un cadavre, que j'ai repoussé. À ma gauche, Pasje était mort. J'ai de nouveau perdu connaissance, peut-être sous l'effet du choc. Je suis revenue à moi en pleine nature, avec l'avion derrière moi.
Comment étiez-vous arrivée là ? Aviez-vous rampé hors de l'habitacle, ou quelqu'un vous avait-il portée ?
Je suppose que je m'en suis extirpée toute seule. Je me souviens de chaque détail de la jungle, mais pas de ce moment. Ça dû être si incroyablement douloureux que je me suis évanouie. Je ne pense pas qu'on m’ait portée, même si c'est une hypothèse très généreuse.
Vous n'étiez pas la seule survivante à ce moment…
Il y avait quelques personnes autour de moi avec lesquelles j'ai pu échanger des propos en anglais. Nous avons parlé de l'éventualité d'être secourus. L'un d’eux, un businessman en costume, me disait : « Je suis quelqu'un de très important. Croyez-moi, ils vont venir nous chercher. Ne vous inquiétez pas. » Mon pantalon ayant été déchiré, il m'en a sorti un de sa valise, ce qui a permis de protéger mes jambes grièvement blessées, avec l’os apparent. J’avais de multiples contusions, y compris à la tête, et les hanches cassées... Et puis, comme les autres, cet homme est mort le jour même.