Apocalypses et millénarismes

Eugen Weber, Fayard, 1999, 328 p., 138 F.

Le lecteur français connaît surtout Eugen Weber pour ses recherches sur les terroirs en Europe et la France des années 30. Changement complet d'orientation pour le dernier ouvrage de l'historien américain, qui porte sur les phénomènes millénaristes, les cultes et les croyances qui leurs sont rattachés. A la veille du passage à l'an 2000, le risque était grand de faire paraître un livre de circonstance, une commande, en somme, répondant aux attentes les plus diverses qui n'exigeaient pas la rigueur de l'historien.

E. Weber échappe heureusement à cette dérive possible. Avec son enthousiasme habituel et l'humour qui lui est propre, il offre un panorama stimulant des manifestations millénaristes, se fondant sur une lecture attentive des textes et des livres majeurs qui traitent de ces courants récurrents dans l'histoire de l'humanité.

Son propos se limite, si l'on peut dire, essentiellement à l'Occident et aux croyances qui résultent d'une lecture fondamentaliste de la Bible. D'excellentes analyses sont proposées sur les interprétations multiples qu'a suscité la lecture de l'Apocalypse selon saint Jean. La « Seconde Venue » et le passage de l'Antéchrist, qui peut revêtir des formes étonnantes, du Fourbe annoncé par saint Paul à la Bête aux sept têtes coiffées de la tiare pontificale, ont toujours entraîné terreurs et effrois, mais aussi certitudes de la punition des méchants et du salut des justes.

En fait, la fin du monde a toujours été à l'ordre du jour et imminente : les passages extraits de Luther sont, à cet égard, particulièrement éclairants. Toute catastrophe, toute guerre, toute épidémie est annonciatrice de la Fin, et Satan rôde et prépare son avènement avant le triomphe définitif du Christ, auquel il faut se préparer.

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Et aujourd'hui ? La multiplication des sectes, leur influence grandissante, leur puissance renforcée, sont autant de signes que le millénarisme n'a pas disparu et que, sous des aspects nouveaux, il continue à hanter la conscience des hommes. Quant à Eugen Weber, il conclut prudemment que le passage à l'an 2000 n'est peut-être pas la fin du monde, mais à coup sûr la « fin d'un monde ».