Attachement

John Bowlby (1907-1990) vécut péniblement ses primes années : pourvu d’une mère distante, il reporta toute son affection sur sa nounou, en fut privé ensuite et se retrouva en internat. Il en conçut quelques griefs. Devenu, en 1946, psychiatre à la clinique Tavistock de Londres, il développera une théorie qui lui vaudra un grand succès : celle de l’attachement.

Dès les années 1930, les travaux de l’éthologue Konrad Lorenz montrent l’existence d’un mécanisme d’« empreinte » chez l’animal. L’empreinte s’effectue dans une période sensible et précoce du développement, durant laquelle le nouveau-né fixe ses préférences à l’égard de sa mère ou de ses congénères.

Durant la guerre, le psychanalyste René Spitz montre que l’absence prolongée de contact entre une mère et son enfant, plus l’isolement de ce dernier, entraînent des troubles graves du développement affectif.

L’amour avant tout

En 1958, dans un article intitulé « The Nature of Love », publié dans American Psychologist, l’éthologue Harry Harlow met en évidence le rôle tout à fait secondaire de la nourriture dans le tissage des liens entre mère et enfant. Rappelons cette célèbre expérience : on enlève des singes nouveau-nés à leur mère pour les mettre en contact avec des mères artificielles fabriquées avec des fils métalliques et une tête de bois, et recouvertes de tissus pelucheux. À l’intérieur de ces fausses mères, on place des biberons, avec des tétines en caoutchouc, correctement inclinés pour que le bébé puisse s’accrocher et téter. L’idée de génie de Harlow fut de fabriquer deux types de « fausses mères » : l’une pourvue d’une peau en tissu à poils doux mais ne distribuant pas de lait, et l’autre, faite de fils métalliques, mais distribuant du lait. Résultat : si le bébé-singe se dirige d’abord vers la nourrice pourvue de lait, il reste la plupart du temps accroché à celle revêtue d’un tissu à poils. La même année, Bowlby affirme que l’attachement est un « besoin primaire » du nourrisson et non pas, comme le soulignait notamment Freud, un besoin « secondaire » consécutif aux soins et à la nourriture apportés par la mère. En d’autres termes, l’enfant a un besoin spécifique de contact, de relation et de chaleur affective, et cet attachement à une personne est nécessaire à son équilibre. Selon Bowlby, le bébé est pourvu d’un répertoire de comportements innés qui lui permet d’établir et de maintenir le contact avec ses proches, et en particulier sa mère (réflexes de succion et d’agrippement, pleurs et cris, sourires, etc.). En apprenant à communiquer avec sa mère, le bébé développe ses capacités d’interactions sociales avec d’autres personnes.