Rescapés, familles, pompiers, policiers… Certains d’entre eux sont physiquement indemnes mais resteront psychologiquement marqués par les scènes auxquelles ils ont assisté ce 13 novembre. Comment soulager ces blessures invisibles ? Réponses de Sylvain Goujard (1), psychologue et Président de l’Association Européenne de Psychologie Sapeur-pompier, qui prépare, entraîne et accompagne les professionnels de l’urgence dans la gestion du stress, et Erik De Soir, docteur en psychologie, psychothérapeute, psychologue Sapeur-Pompier volontaire dans la Zone d’intervention Limbourg Nord (Belgique (2), auteur de Gérer le trauma, un combat quotidien (De Boeck) et Stress et trauma dans les services de police et de secours (Maklu).
A l’occasion de ces attentats, nous évoquons régulièrement la douleur physique, le décès, l’état d’urgence vitale de certains rescapés. Toutefois, peu évoquent les blessures invisibles d’ordre psychique dont souffrent les témoins directs, les secouristes, les forces de l’ordre, mais aussi les proches des familles...
Sylvain Goujard : L’ensemble de ces personnes peut être sujet à un psychotraumatisme, de par son exposition directe aux morts violentes. Toutefois, nous distinguons plusieurs catégories de victimes.
Les victimes primaires sont les personnes qui, le jour J, ont failli mourir. Leur intégrité physique était réellement mise en danger. Celles-ci ont vu des gens tomber sous les rafales, souffrir, crier, mourir.
Les victimes secondaires sont les membres de la famille, les proches qui découvrent l’existence des attentats en direct dans les médias, et qui cherchent à s’assurer que leur enfant, leur frère, leur sœur ou leur cousin, va bien. Ils lui envoient un SMS, ils cherchent à l’appeler, pas de réponse. Ils ne savent pas ce qui se passe. Ils appellent les numéros verts pour découvrir l’identité des victimes et des rescapés… Le doute est intolérable.
Les victimes tertiaires sont l’ensemble des professionnels de l’urgence qui sont amenés à intervenir sur le terrain : pompiers, policiers, agents du RAID, médecins du SAMU, bénévoles de la Croix Rouge, de la Protection Civile, etc. En portant secours aux victimes primaires, ils vont être confrontés à des scènes de mort, d’horreur, de chaos.
Erik De Soir : Cette distinction, basée sur le modèle de triage psychologique de l’AEPSP (Association Européenne de Psychologie Sapeur-Pompier) afin de déterminer le degré d’exposition des impliqués, est bien sûr théorique car le policier ou le pompier qui identifie les victimes pourrait être touché plus profondément.