Au bonheur des morts

Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent, Vinciane Despret, Les Empêcheurs de penser en rond, 2015.

L’idée que les morts sont vraiment morts, c’est-à-dire qu’ils n’existent plus que dans nos mémoires, est à la fois récente et minoritaire dans le monde. C’est ce que nous enseigne avec force Vinciane Despret dans ce livre réjouissant, truffés d’exemples. Elle-même frappée par des deuils familiaux, la philosophe est allée à la rencontre de « ceux qui restent » pour comprendre les liens qu’ils entretiennent avec défunts. Leurs récits font apparaître un brouillage entre l’imaginaire et le réel, y compris chez les athées les plus farouches. Les morts nous rancardent, nous influencent, nous amusent, nous embarrassent ou nous incitent à faire des choses improbables. Et nous le leur rendons bien. Ils ont donc des « régimes d’existence » que l’on aurait tort d’enterrer un peu trop vite. Cette enquête débouche sur une critique de la vulgate psychologique, ultradominante, qui consiste à voir dans le « travail de deuil » l’alpha et l’omega de notre rapport à la mort. Qui a dit qu’il fallait se débarrasser des fantômes pour aller mieux ? Et s’il fallait plutôt entretenir leur flamme ?