Au front ! Quelle aide en situation extrême ?

Toujours plus de troubles psychiques en cas de guerre, d’épidémies, de catastrophes naturelles… Si les moyens restent faibles pour les soulager, l’aide s’est organisée. Le point sur des solutions et leurs évolutions.

On a souvent soigné les maux du corps avant ceux de l’âme. Mais la multiplication des missions humanitaires a permis de bousculer l’ordre des priorités pour la prise en charge des populations civiles. Des ONG et des associations s’organisent ainsi depuis les années 1990 pour traiter dans l’urgence des syndromes post-traumatiques, mais aussi la dépression, l’anxiété, les troubles du comportement… Des résultats ? Ils sont au rendez-vous, même si l’on s’interroge toujours sur les principes d’intervention. Quelle aide apporter quand un gouffre culturel sépare les soignants des souffrants ? Et qu’est-ce que soigner en situation extrême ? Que peut-on vraiment ? Autant de questions que les experts sur le terrain tentent de résoudre en faisant évoluer leur mode d’intervention face à des situations, des cas, des maux extraordinaires.

Des maux pas comme les autres

Des femmes palestiniennes se sentent paralysées des deux jambes après avoir arrêté des chars en se postant devant. Des enfants soldats sont prostrés, après des années de combat en Sierra Leone. Des familles kosovares, réfugiées en Albanie, présentent des signes de dépression grave, pendant la guerre de Yougoslavie. Des rescapés sortis indemnes du séisme en Haïti souffrent mystérieusement de mille maux du corps. Des pères désespérés de ne pouvoir protéger leur famille dans les territoires palestiniens occupés deviennent violents. La liste des bleus à l’âme est longue.

Il s’agit parfois d’un syndrome traumatique ou post-traumatique apparaissant dans les heures, les jours ou les mois qui suivent un choc. La conscience a été court-circuitée face à la mort et le corps prend le relais pour exprimer la souffrance. Bien sûr, « ce trauma n’est pas systématique. Quand la personne a été entourée affectivement dans son enfance et qu’elle a développé des capacités de mentalisation, elle a moins de chance d’être touchée », rappelle le psychiatre Boris Cyrulnik. De même, s’il est impossible de hiérarchiser la douleur ressentie en fonction des circonstances, on note que ces syndromes sont moins nombreux en cas de catastrophe naturelle. « On n’en veut pas à la nature et l’on se remet souvent plus vite qu’après un conflit humain », rappelle Boris Cyrulnik.

Reste le stress durable et l’angoisse quand une situation s’enlise, comme en Palestine. Maximilien Zimmermann, psychologue (voir son portrait dans « La planète des psys, Le Cercle Psy n° 5), qui coordonne sur place le programme de santé mentale de Médecins du Monde (MdM), observe une souffrance spécifique. « Les enfants de Gaza ont déjà connu trois guerres, ayant pu causer des traumas chez certains, mais ils sont surtout confrontés à une insécurité permanente destructrice, explique-t-il. Si beaucoup développent de magnifiques ressources, on ne connaît pas les effets à long terme. De plus, leurs parents étant soumis au même stress, ils peinent à leur assurer le confort psychique qui permet justement aux enfants d’être résilients à long terme. »