On sait que l’effondrement des twin towers de New York, le 11 septembre 2001, a ouvert une nouvelle ère dans la lutte antiterroriste. Tous les pays ont été invités à revoir leurs dispositifs de vigilance pour faire face à des menaces nouvelles et proliférantes. On a moins souvent relevé les nouveaux arbitrages qui ont été faits entre protection des libertés civiles et nécessités sécuritaires. Ils sont nettement en défaveur des premières : banques de données, nouvelles formes de détention et de surveillance des populations, retour de la torture… Cet ouvrage réunit une trentaine de contributions de chercheurs, d’avocats, de militants et de journalistes pour faire un point sur l’ensemble de ces évolutions. Il souligne à quel point ces phénomènes, inséparablement globaux (de nouvelles formes de collaboration entre États émergent) et nationaux (chaque pays inscrit sa démarche dans une certaine tradition), sont aussi légitimés par un certain nombre d’acteurs justifiant ces nouveaux usages de la force et de la contrainte. Thomas Deltombe décrit ainsi l’émergence d’un « marché des experts » dans les médias français. Cependant, le livre récuse la thèse de l’instauration d’un « état d’exception permanent qui se perpétue et soustrait les gouvernements à la loi ». Il souligne également les résistances qui émergent face à ce nouvel ordre du monde. Il n’empêche, les nombreux « dommages collatéraux » occasionnés par la lutte antiterroriste ne sont pas rassurants. On s’en persuadera en lisant l’article d’Elspeth Guild sur le sort réservé aux étrangers en Europe. Et c’est bien une tonalité inquiétante qui, au final, émane de ce travail.
Marc Olano