Avoir vingt ans au Moyen-Orient

De Ramallah à Dubaï, à quoi rêvent les jeunes du Moyen-Orient ? Entre chômage, guerres et poids des traditions, ils bricolent à leur façon des espaces de liberté.

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La rue de Rainbow Street, au centre de la vieille Amman, la capitale jordanienne, est jouxtée de snacks orientaux, de bancs pour les promeneurs et de joueurs de guitare ambulants. Au bord des trottoirs, défile un flot de passants qu’observe Cyril Roussel, géographe à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO). S’y côtoient « jeunes hommes qui observent les cortèges de belles voitures » – parfois cigarette aux lèvres – hordes de filles qui « déambulent main dans la main » en « tenues décontractées », et sportifs du dimanche venus voir des matchs de foot dans des cafés, ou se dépenser dans des salles de sport à l’occidentale, pour les plus aisés.

Le moment est « une parenthèse » dans la vie des jeunes, écrit le chercheur. Le lendemain, « la journée sera consacrée à la famille », sans moment pour soi. Ce quotidien ambivalent ressemble à celui de nombreux jeunes du Moyen-Orient, selon les anthropologues et politologues interrogés dans Jeunesses arabes, l’ouvrage de référence consacré au quotidien des jeunes du Maghreb et du Moyen-Orient 1. Une fine alliance entre brèches de liberté et cocon de traditions, sous l’ombrelle des contraintes familiales et socio-économiques.

Chapes de plomb

Ces fortes pressions sont alimentées par les bouleversements à l’œuvre dans la région. Au premier plan : le chômage. Malgré un taux d’alphabétisation supérieur à 95 %, un accès croissant aux diplômes et un multilinguisme grandissant, près d’un jeune sur quatre cherche actuellement un emploi. C’est quatre fois plus que leurs aînés. Les jeunes femmes sont même plus d’une sur trois à chercher un emploi. Mais, victimes de la transition démographique, ces jeunes générations aux effectifs pléthoriques ne trouvent pas de place sur le marché du travail. D’après l’enquête annuelle Arab Youth Survey 2017, le chômage est globalement « l’obstacle le plus important » qu’identifient les jeunes du Moyen-Orient. Ce qui les contraint par ricochet à l’ennui et à l’exclusion sociale. Les bidonvilles des centres urbains de la région sont d’ailleurs peuplés « jusqu’aux deux tiers » de jeunes 2.

S’ajoute une chape de plomb politique. La région a été touchée par six conflits violents depuis 2010. Après le chômage, l’expansion de l’État islamique et du terrorisme sont d’ailleurs les deux plus grands tourments des jeunes de la région.