La discrimination à l’égard de la population chiite du Bahreïn explique-t-elle le mouvement de contestation ?
La question chiite est un aspect de la contestation au Bahreïn, mais pas le seul. Trois éléments doivent être pris en compte pour comprendre la situation actuelle. D’abord, une culture de la contestation de masse ancienne au Bahreïn : depuis les années 1930, correspondant aux débuts de l’industrie pétrolière dans le pays, de nombreux soulèvements ont eu lieu pour demander l’amélioration des conditions de travail dans ce secteur. Il y eut aussi des protestations contre la colonisation. Bahreïn a en effet été un protectorat britannique jusqu’en 1971. Les protestataires demandaient la démocratie, notamment l’établissement d’un Parlement, obtenu en 1973.
Ensuite, à partir des années 1990, l’économie du Bahreïn, comme ce fut le cas dans l’ensemble du Moyen-Orient, entre en récession : en cause, la chute des prix du pétrole, conjuguée à l’explosion démographique. Dès lors, le pacte social qui est au fondement des régimes dans le monde arabe, et au Bahreïn en particulier, s’effondre. Ce pacte de redistribution, basé sur la garantie d’un emploi dans le secteur public pour tous les diplômés, cesse de fonctionner car le secteur public ne peut plus absorber cette main d’œuvre. Parallèlement, les nouveaux entrants sur le marché du travail ne parviennent pas à s’insérer dans le secteur privé.Dans les monarchies voisines du Golfe, l’insertion professionnelle des jeunes est d’autant plus difficile que le secteur privé est dominé par une main d’œuvre expatriée bon marché, corvéable à merci en raison d’un code du travail peu protecteur. Les mobilisations de la décennie 1990 ont donc été menées par de jeunes précaires ou chômeurs.