Banlieues : les leçons de l'Angleterre

Face au « problème des banlieues », qui a connu son paroxysme lors des récentes émeutes, il est coutumier en France de diaboliser le « modèle anglo-saxon », censé être fondé sur des discriminations, et accusé produire les ghettos et d'encourager le communautarisme.

Lors d'une récente journée d'études sur les émeutes de novembre 2005, Alec Hargreaves, professeur à l'université de Floride et spécialiste de l'immigration en France, a rappelé que cette vision était largement mythique. En effet, si les Etats-Unis appliquent effectivement des politiques de discrimination positive, cela n'a jamais été le cas en Grande-Bretagne où toute discrimination (positive ou négative) fondée sur des critères « ethniques » est interdite par la loi. Le royaume a certes connu lui aussi des émeutes urbaines de grande ampleur en 1981 et 1985. Les données étaient comparables au cas français : dans les deux cas, les troubles s'enracinent dans de « profonds sentiments d'injustice ressentis par des jeunes issus des flux migratoires postcoloniaux », qu'il s'agisse des inégalités socioéconomiques, de leur précarité sur le marché de l'emploi ou des discriminations « raciales » dont ils sont les victimes. Autre point commun : l'absence de perspectives d'amélioration de leur sort puisque, dans les années 1980, le Premier ministre Margaret Thatcher faisait passer les restructurations économiques avant la lutte contre le chômage et se désintéressait globalement de la lutte contre les discriminations. Les minorités ethniques avaient donc le sentiment, comme les jeunes Français de 2005, d'être abandonnées par le pouvoir.