Banques de rêves : une richesse sous-exploitée ?

À travers le monde et depuis un siècle, des « banques de rêves » regroupent 
des milliers de récits nocturnes. De précieuses sources pour des études approfondies, ou de simples compilations anecdotiques ?


Sous l’Antiquité, Socrate définissait déjà le rêve comme un lieu où les désirs honteux, réprimés le jour, se réalisaient. Il avait la préscience de la petite révolution que devait constituer, au début du XXe siècle, l’interprétation psychanalytique de Freud selon laquelle l’interprétation des rêves mène à la connaissance de l’inconscient. La médecine, très tôt, se penche aussi sur nos songes : Hippocrate étudiait déjà les relations entre les contenus oniriques et les maladies, suivant l’état du Soleil, de la Lune ou des astres vus en rêve par ses patients. Le rêve a toujours été aussi une inépuisable source d’inspiration pour les écrivains et poètes. Les surréalistes pensaient même que le rêve avait une vie propre aussi importante que l’état de veille et trouvaient une vérité troublante dans les songes, tel le peintre Victor Brauner qui peignit des personnages borgnes bien avant qu’un accident ne lui fasse perdre l’œil droit.

Rêver avec son temps

Psychologie, philosophie, sociologie, neurosciences… Il n’est pas un domaine concerné par l’humain qui ne soit fasciné par le rêve. Mais une question, la seule, demeure : À quoi sert-il ? Un mystère aujourd’hui encore, car le rêve est une expérience singulière et subjective, la seule trace que l’on puisse en avoir étant le récit qu’en fait le dormeur.

Dès le Second Empire, des cercles informels réunissent des rêveurs qui se rencontrent, se racontent, puis consignent leurs aventures oniriques. C’est la naissance des « banques de rêves », ou des « onirothèques », qui regroupent ces expériences.

Il est difficile de répertorier toutes les banques existantes aujourd’hui, puisqu’aucune étude n’a jamais été réalisée en ce domaine. Il est néanmoins possible de repérer les plus riches d’entre elles, en majorité accessibles sur Internet, et celles, plus intimistes, parfois mises en place par des chercheurs à partir de leurs propres rêves, qui ont souvent servi de base à la recherche sur le rôle du sommeil et le sens des songes, qu’il s’agisse de photographier les préoccupations d’une époque ou de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau.

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En 1979, les anthropologues Monique et Jean Duvignaud et le sociologue Jean-Pierre Corbeau proposent par exemple, dans un ouvrage baptisé La banque des rêves (1), une analyse de 2 000 rêves ou bribes de rêves glanés dans toutes les catégories socioprofes­sionnelles. À cette fin, ils ont utilisé toutes les méthodes d’investigation possibles : enquêtes par conversations enregistrées, questionnaires écrits et parlés, sondages, discussions libres…