• Philosophie du bonheur
Avez-vous déjà expérimenté les leçons d’art de vivre des philosophes et autres médecins de l’âme ? Mark Kingwell l’a fait. Cet enseignant en philosophie à l’université de Toronto ne s’est pas contenté de faire un cours sur les recettes du bonheur, il a décidé de les tester, comme un shampoing ou une recette de cuisine. À la poursuite du bonheur. De Platon au Prozac (Bayard, 2006) fait le récit vivant, drôle et ravageur de ses expériences.
Tout commence par un stage de développement personnel « Le bonheur est un choix » : une semaine dans un manoir en compagnie d’une vingtaine de stagiaires et d’un gourou, le tout pour 1 27O dollars. L’effet est bénéfique, mais pas plus qu’une semaine de vacances dans une station balnéaire. Quelques jours plus tard, la vie quotidienne reprend ses droits. Le Prozac ? L’auteur l’expérimente avec un étonnant contre-effet : il sombre dans la dépression et doit arrêter le traitement au bout de quelques semaines ! M. Kingwell expérimente ensuite le « conseiling philosophique », sorte de coaching philosophique personnel qui a pris son essor dans les années 1990, dans le sillage des cafés philosophiques. Peu probant… Finalement il passe au crible les grandes leçons de sagesse léguées par les auteurs classiques : s’accepter comme on est ? M. Kingwell a essayé. « Dans ce cas-là, j’aurais tendance à être plutôt égoïste et fainéant. » Pourquoi ne pas essayer ? Ne plus répondre aux courriels, ne plus rendre les services. Quelques amis et collègues fâchés plus tard, il ne ressent que de la culpabilité et du malaise, mais certainement pas plus de bonheur…
Avec La Philosophie comme remède au chômage (Albin Michel, 2007), Jean-Louis Cianni a lui aussi testé les recettes philosophiques. « Dircom » dans une entreprise aérienne, il se retrouve au chômage pendant plusieurs mois après un plan social. Il aurait pu sombrer dans la dépression, se mettre à boire, s’inscrire dans un stage de réinsertion, etc. Il choisit une autre voie. Pendant que sa femme et ses enfants croient qu’il est enfermé dans son bureau à monter un projet ou écrire des CV, il s’est replongé dans sa bibliothèque d’étudiant en philosophie. Que valent Montaigne, Sénèque, Épicure, Spinoza, Socrate quand on n’a plus de travail, de statut, des ressources limitées et un réseau de relations qui se restreint comme peau de chagrin ? Pour J.-L. Cianni, les leçons philosophiques sont concluantes et l’on peut trouver de vraies consolations dans la lecture des classiques. Suggérons tout de même une autre hypothèse. Ce n’est pas tant les recettes philosophiques qui l’ont rendu heureux, mais le fait d’avoir mis à profit sa longue inactivité pour satisfaire un vœu refoulé : s’épanouir comme écrivain – ce qu’il est assurément. Ce qui confirmerait la sagesse antique « deviens ce que tu es ». À lire de toute urgence pour les bonheurs d’écriture.
• Histoire du bonheur
On dit souvent que le bonheur est né au xviiie siècle, à l’époque où les Lumières, rejetant la chape de plomb de la culpabilité catholique et l’austérité protestante, ont valorisé les plaisirs terrestres. Martine Méheut, dans L’Invention du bonheur. Philosophes et maîtres de vie à Athènes (La Table ronde, 2006), rappelle tout de même que les Grecs avaient déjà inventé l’idée du bonheur. Les penseurs grecs ne croyaient guère à la transcendance, souhaitant être heureux ici et maintenant. Ils ont inventé un art de vivre, fondé sur la notion de sagesse, de prudence et de juste milieu. Voir aussi l’ouvrage d’André Comte-Sponville, Jean Delumeau et Arlette Farge, La Plus Belle Histoire du bonheur (Seuil, 2004).
• Économie et Sociologie du bonheur
Pour Richard Layard, dans Le Prix du bonheur (Armand Colin, 2007), toutes les enquêtes sur le bien-être le montrent : la richesse ne fait pas le bonheur. Cela remet en cause l’un des postulats de l’économie, à la recherche de la croissance et de l’augmentation du pouvoir d’achat. Derrière la course à l’enrichissement, il y a en fait une course au statut individuel, course sans fin laissant toujours des frustrés et des mécontents. C’est le point fort de ce livre. Ses propositions pour sortir de cette logique sont beaucoup moins convaincantes. On peut relire avec profit le minidossier de Sciences Humaines « L’argent fait-il le bonheur ? » (n° 175, octobre 2006). Gilles Lipovetsky, Le Bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation (Gallimard, 2006). Notre société est fondée sur l’hédonisme, l’expression de soi et de ses plaisirs. Pourtant, nombre d’entre nous vivent dans le malaise, l’anxiété et l’insatisfaction. Tel est le paradoxe : parce que nous mettons la réalisation de soi au-dessus de tout, nous sommes frustrés et malheureux.
• Psychologie du bonheur
Il existe une avalanche de livres sur le développement personnel livrant des recettes du bonheur, avec toujours les mêmes recommandations de base : apprendre à s’accepter, vivre le moment présent, beaucoup de banalités… Les deux meilleurs ouvrages restent sans conteste ceux de Christophe André, Vivre heureux. Psychologie du bonheur (Odile Jacob, 2003) et Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi (Odile Jacob, 2006).
Avez-vous déjà expérimenté les leçons d’art de vivre des philosophes et autres médecins de l’âme ? Mark Kingwell l’a fait. Cet enseignant en philosophie à l’université de Toronto ne s’est pas contenté de faire un cours sur les recettes du bonheur, il a décidé de les tester, comme un shampoing ou une recette de cuisine. À la poursuite du bonheur. De Platon au Prozac (Bayard, 2006) fait le récit vivant, drôle et ravageur de ses expériences.
Tout commence par un stage de développement personnel « Le bonheur est un choix » : une semaine dans un manoir en compagnie d’une vingtaine de stagiaires et d’un gourou, le tout pour 1 27O dollars. L’effet est bénéfique, mais pas plus qu’une semaine de vacances dans une station balnéaire. Quelques jours plus tard, la vie quotidienne reprend ses droits. Le Prozac ? L’auteur l’expérimente avec un étonnant contre-effet : il sombre dans la dépression et doit arrêter le traitement au bout de quelques semaines ! M. Kingwell expérimente ensuite le « conseiling philosophique », sorte de coaching philosophique personnel qui a pris son essor dans les années 1990, dans le sillage des cafés philosophiques. Peu probant… Finalement il passe au crible les grandes leçons de sagesse léguées par les auteurs classiques : s’accepter comme on est ? M. Kingwell a essayé. « Dans ce cas-là, j’aurais tendance à être plutôt égoïste et fainéant. » Pourquoi ne pas essayer ? Ne plus répondre aux courriels, ne plus rendre les services. Quelques amis et collègues fâchés plus tard, il ne ressent que de la culpabilité et du malaise, mais certainement pas plus de bonheur…
Avec La Philosophie comme remède au chômage (Albin Michel, 2007), Jean-Louis Cianni a lui aussi testé les recettes philosophiques. « Dircom » dans une entreprise aérienne, il se retrouve au chômage pendant plusieurs mois après un plan social. Il aurait pu sombrer dans la dépression, se mettre à boire, s’inscrire dans un stage de réinsertion, etc. Il choisit une autre voie. Pendant que sa femme et ses enfants croient qu’il est enfermé dans son bureau à monter un projet ou écrire des CV, il s’est replongé dans sa bibliothèque d’étudiant en philosophie. Que valent Montaigne, Sénèque, Épicure, Spinoza, Socrate quand on n’a plus de travail, de statut, des ressources limitées et un réseau de relations qui se restreint comme peau de chagrin ? Pour J.-L. Cianni, les leçons philosophiques sont concluantes et l’on peut trouver de vraies consolations dans la lecture des classiques. Suggérons tout de même une autre hypothèse. Ce n’est pas tant les recettes philosophiques qui l’ont rendu heureux, mais le fait d’avoir mis à profit sa longue inactivité pour satisfaire un vœu refoulé : s’épanouir comme écrivain – ce qu’il est assurément. Ce qui confirmerait la sagesse antique « deviens ce que tu es ». À lire de toute urgence pour les bonheurs d’écriture.
• Histoire du bonheur
On dit souvent que le bonheur est né au xviiie siècle, à l’époque où les Lumières, rejetant la chape de plomb de la culpabilité catholique et l’austérité protestante, ont valorisé les plaisirs terrestres. Martine Méheut, dans L’Invention du bonheur. Philosophes et maîtres de vie à Athènes (La Table ronde, 2006), rappelle tout de même que les Grecs avaient déjà inventé l’idée du bonheur. Les penseurs grecs ne croyaient guère à la transcendance, souhaitant être heureux ici et maintenant. Ils ont inventé un art de vivre, fondé sur la notion de sagesse, de prudence et de juste milieu. Voir aussi l’ouvrage d’André Comte-Sponville, Jean Delumeau et Arlette Farge, La Plus Belle Histoire du bonheur (Seuil, 2004).
• Économie et Sociologie du bonheur
Pour Richard Layard, dans Le Prix du bonheur (Armand Colin, 2007), toutes les enquêtes sur le bien-être le montrent : la richesse ne fait pas le bonheur. Cela remet en cause l’un des postulats de l’économie, à la recherche de la croissance et de l’augmentation du pouvoir d’achat. Derrière la course à l’enrichissement, il y a en fait une course au statut individuel, course sans fin laissant toujours des frustrés et des mécontents. C’est le point fort de ce livre. Ses propositions pour sortir de cette logique sont beaucoup moins convaincantes. On peut relire avec profit le minidossier de Sciences Humaines « L’argent fait-il le bonheur ? » (n° 175, octobre 2006). Gilles Lipovetsky, Le Bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation (Gallimard, 2006). Notre société est fondée sur l’hédonisme, l’expression de soi et de ses plaisirs. Pourtant, nombre d’entre nous vivent dans le malaise, l’anxiété et l’insatisfaction. Tel est le paradoxe : parce que nous mettons la réalisation de soi au-dessus de tout, nous sommes frustrés et malheureux.
• Psychologie du bonheur
Il existe une avalanche de livres sur le développement personnel livrant des recettes du bonheur, avec toujours les mêmes recommandations de base : apprendre à s’accepter, vivre le moment présent, beaucoup de banalités… Les deux meilleurs ouvrages restent sans conteste ceux de Christophe André, Vivre heureux. Psychologie du bonheur (Odile Jacob, 2003) et Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi (Odile Jacob, 2006).