J’ai lu récemment que notre système d’enseignement avait décliné depuis les années 1960, époque où il était « le meilleur du monde ». Cette ritournelle a souvent servi : le système français était le meilleur du monde avant n’importe quelle réforme ou évolution jugée négative.
En fait, dans les années 1960, il était impossible de comparer sérieusement les systèmes éducatifs. Aujourd’hui, c’est un progrès, nous pouvons le faire, même si c’est d’une façon encore largement perfectible. Que nous montrent ces comparaisons ? Le système scolaire français est-il efficace et équitable pour tous les élèves ?
Tout d’abord, il apparaît que les scolarités sont maintenant aussi longues qu’ailleurs et moins inégales. Comme les autres pays latins, la France a ouvert les enseignements secondaire et supérieur au plus grand nombre bien plus tard que les pays anglo-saxons ou scandinaves. Mais elle l’a fait très vite à partir des années 1980. Aujourd’hui, 80 % d’une génération obtient le bac, contre 26 % en 1980 1. Les effectifs d’étudiants dans l’enseignement supérieur ont presque doublé durant la même période. Les jeunes générations sont aujourd’hui au moins autant scolarisées que dans les autres pays de l’OCDE.
Il reste cependant des traces de ce retard d’ouverture des enseignements secondaires et supérieurs. D’après l’évaluation de l’OCDE sur les compétences des adultes de 2012, près d’un tiers des adultes en France souffrent d’un manque de compétences en numératie et/ou en littéracie, ce qui représente cinq points de plus que la moyenne des pays de l’OCDE. Or, cet écart disparaît chez les plus jeunes (les 16-45 ans). Cela laisse penser que la moindre scolarisation des plus âgés en est responsable.
Les élèves qui ont profité de cette ouverture ont acquis de ce fait davantage de compétences. Les adversaires de l’ouverture disaient que les élèves concernés encombreraient les classes sans profit pour eux-mêmes, mais une évaluation de la direction de l’évaluation et de la prospective a montré que le niveau moyen en mathématiques des élèves de troisième s’était amélioré de 1984 à 1990, en même temps que s’ouvrait la classe de troisième 2. Par ailleurs, l’économiste Éric Maurin a montré que les élèves qui avaient bénéficié de l’ouverture du collège ou de celle du lycée avaient ensuite eu de meilleurs salaires que s’ils n’en avaient pas bénéficié. Plusieurs recherches ont montré la même chose dans d’autres pays, et que les bénéfices tirés de ces années supplémentaires d’école sont aussi sociaux (meilleure santé, moindre consommation de drogues, etc.).
Les scolarités se sont allongées aussi parce que moins d’élèves quittent l’école précocement, sans diplôme. On pouvait dans les années 1960 trouver facilement un travail même sans qualification, c’est devenu difficile aujourd’hui. Un enjeu pour le système scolaire était donc de diminuer les sorties précoces, ce qu’il a fait. En 2017, 9 % des jeunes de 18 à 24 ans non scolarisés n’ont pas de diplôme. Ils étaient 40 % en 1979.