Borderline : les montagnes russes émotionnelles

Hypersensibilité, difficultés à réguler ses émotions, sentiment chronique de vide, peur de l’abandon… le trouble borderline est le plus fréquent des troubles de la personnalité.

Je n’en peux plus, un rien me met dans tous mes états, tout est dans l’extrême chez moi, c’est fatigant ». La journée de Julie commence à peine que les émotions affleurent dans tous les sens. Cette marmite bouillonnante de ressentis, c’est la vie quotidienne des personnes borderline. Un événement positif déclenchera une véritable euphorie, mais cela pourra laisser place très rapidement à un désespoir profond : « Un mot, un sourire à l’envers, un soupir peuvent m’anéantir », écrit Catherine Melchior Sana dans son roman autofictionnel Troubles Midis (éditions Ikor). En l’espace de quelques heures, les personnes atteintes de ce trouble peuvent ressentir des émotions extrêmes et totalement opposées. Souvent confondu avec le trouble bipolaire, qui concerne l’humeur, le trouble borderline est un trouble des émotions, caractérisé par deux aspects : une plus grande sensibilité et une moins bonne régulation. Chez les personnes concernées, « les émotions, souvent très intenses, sont déclenchées par de petites choses avec une difficulté à les réguler », explique la psychiatre Déborah Ducasse. Avec sa collègue Véronique Brand-Arpon, elles sont à l’origine d’une structure spécialisée autour de ce trouble, à Montpellier, et auteures de Borderline : Cahier pratique de thérapie à domicile, (Odile Jacob, 2017).

« Ce sont des personnes très sensibles qui sont affectées par des choses du quotidien qui n’auraient pas d’impact sur quelqu’un d’autre, explique le docteur Ducasse. Par exemple un collègue qui ne dit pas bonjour, ça va beaucoup affecter une personne borderline ». En effet l’instabilité émotionnelle constante des personnes borderline est liée au contexte, à ce qu’elles vivent. Mais si leurs débordements sont toujours provoqués par des évènements extérieurs (ou leur simple remémoration), ils s’expliquent aussi par une image de soi troublée, le trouble affectant en profondeur leur sentiment d’identité. En raison de cette fragilité narcissique, les borderlines sont très vulnérables et sensibles au jugement d’autrui.

Des relations très intenses et très instables

Parce qu’il désignait à l’origine la frontière entre névrose et psychose, le trouble borderline est aussi appelé état-limite. Aujourd’hui, ce trouble de la personnalité est considéré comme une entité clinique à part entière, bien que certaines de ses caractéristiques se retrouvent dans d’autres maladies ou troubles psychiatriques. En France, on estime que 2,5 % de la population active présentent des caractéristiques du trouble de la personnalité borderline. Il est donc tout à fait probable que chacun d’entre nous ait croisé ou bien côtoie régulièrement une personne atteinte de ce trouble, qui pourrait par ailleurs concerner jusqu’à 20 % des personnes dans les services de psychiatrie. De façon étonnante, il reste pourtant mal connu, y compris dans le milieu médical.

Selon le DSM, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie, 9 traits caractérisent le trouble de la personnalité (voir encadré). On peut les regrouper en 3 dimensions : dysrégulation émotionnelle, difficultés dans les relations aux autres, impulsivité. « Quand les émotions ont trop de mal à être régulées ou quand la situation est émotionnellement trop douloureuse, il peut y avoir une perte de contact avec la réalité, précise Deborah Ducasse. Le cerveau déconnecte en quelque sorte, et alors le passage transitoire dans un état psychotique est possible ». Même si elle est loin d’être systématique, la dissociation est un des critères du diagnostic de trouble borderline.