Oblitérer le souvenir de la guerre
En effet, il y eut bien des tentatives pour promouvoir une nouvelle vision de la Bosnie-Herzégovine, notamment en baptisant telle route « rue de Dayton », telle autre « rue du 8-Mars », jour de la création du district. L’imagerie des accords de paix vient ici remplacer la symbolique guerrière de la « Grande-Serbie ». Par ailleurs, affubler une voie du nom de Drazen Petrovic (le célèbre basketteur croate qui fit carrière dans la NBA américaine) renvoie à la période yougoslave, où les communautés vivaient en paix les unes avec les autres. Mais C. Jouhanneau relève que la période de la guerre entre 1992 et 1995 y est totalement oblitérée. Cet « oubli » de narrer la guerre est tout à fait comparable à la pénurie de monuments aux morts ou au fait que les manuels scolaires des trois communautés interrompent leur programme d’histoire à l’année 1992… La conclusion de l’auteure est qu’un « pacte dénégatif », une volonté de silence, sont entretenus par la majorité des habitants, ce qui leur évite d’être confrontés à la vérité des faits qui se sont déroulés. Dans un tel contexte, les appels à l’apaisement des mémoires, condition nécessaire à la possibilité de vivre ensemble, risquent de rester lettre morte. Cela n’est pas sans poser des problèmes, car l’Union européenne veut faire de la Bosnie-Herzégovine un État membre… Ce qui ne sera possible que quand elle affrontera son passé douloureux.