Bourdieu sous les drapeaux

Bourdieu. Une enquête algérienne, Olivier Thomas et Pascal Génot, Steinkis, 2023, 260 p., 24 €.

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Récit d’une enquête sur le sociologue français le plus cité, l’œuvre graphique d’Olivier Thomas et Pascal Génot mobilise toutes les ressources de l’art narratif : récit dans le récit, flash-back, digression savante, mise en contexte historique, commentaire, prolepses et autres anacoluthes. Il n’en fallait pas moins pour rendre compte du soin avec lequel l’enquête a été menée sur cette période la moins souvent commentée de la vie de Pierre Bourdieu (1930-2002) : ses trois années passées en Algérie entre 1956 et 1959, d’abord comme conscrit puis comme enseignant. Années décisives puisque c’est dans ce pays que le jeune agrégé de philosophie se découvre sociologue, mène des enquêtes en Kabylie en même temps qu’il est exposé au dilemme de la guerre coloniale. Convaincu de son inutilité, critique de la colonisation, P. Bourdieu s’en tient néanmoins à son devoir de militaire, et accepte même de travailler à la propagande du gouvernement d’Alger pendant une année. Il tâchera de l’oublier ensuite, et aussitôt libéré, il enseigne à l’université d’Alger, noue des contacts avec des étudiants algériens et s’exprime plus librement sur l’avenir du pays.