Quel est l’axe de la session 2010 des Entretiens francophones de la psychologie ?
Lors de la précédente édition des Entretiens francophones de la psychologie, intitulés « Psychologue : une valeur ajoutée », nous avions cherché à mettre l’accent sur la spécificité et la diversité des pratiques et des apports des psychologues. Cette année, dans la continuité de cette problématique, nous avons prévu de mettre l’accent sur la formation permanente des psychologues. Nous tenons également à toujours nous placer dans une optique qui répond à l’acception ancienne du terme « entretiens », qui renvoie à « entre-tenir », c’est-à-dire se soutenir mutuellement. L’un des axes généraux des Entretiens est ainsi l’échange sur la profession. Les nombreuses tables rondes et symposiums sont un lieu d’échanges privilégiés entre praticiens et universitaires, dans le respect des identités plurielles. Nous tenons à ce caractère d’échange et de pluralité : les Entretiens francophones de la psychologie sont d’ailleurs organisés conjointement par trois fédérations de psychologues, la Fédération française des psychologues et de la psychologie (FFPP), la Fédération belge des psychologues (FBP), et la Fédération suisse des psychologues (FSP). Cette année, l’enjeu des Entretiens s’articule autour de deux questions pour les psychologues : qu’y a-t-il de nouveau dans mon domaine d’activité ? De quoi ai-je besoin pour exercer mon métier dans ce domaine ?
Pour répondre à ces deux questions, vous avez choisi d’aborder 4 champs d’exercice de la psychologie : clinique-santé, éducation, travail, et justice-social. Pouvez-vous nous exposer quelques uns des sujets abordés lors des Entretiens, pour chacun de ces domaines ?
Dans le champ Clinique Santé, par exemple, les conférences et débats des Entretiens aborderont la prise en charge psychologique de la santé, qu’elle soit somatique ou mentale. Les intervenants traiteront aussi bien des aspects théoriques et méthodologiques que des aspects « politiques » de gestion de la santé dans les Etats : les travaux de Marie Santiago, professeure en psychologie de la santé, rendront compte de ces questions. Dans le champ de l’Éducation, il sera par exemple question du psychologue en éducation au niveau européen, de la violence scolaire, des apports des neurosciences sur le sujet. Dans le champ du Travail, nous ferons une large part aux liens travail/santé, qui constituent un sujet d’actualité préoccupant. En conférence, le professeur de psychologie sociale Yves Clot axera son intervention sur « le métier comme opérateur de santé ». Son objectif, à contre-courant du discours ambiant, est de promouvoir le métier comme « ressource psychosociale ». Dans le champ Justice-social seront abordées les notions d’expertise et de « dangerosité », un sujet récurrent puisque déjà abordé lors de Entretiens de 2008, après l’adoption de la loi sur la rétention de sûreté. La prise en charge des victimes d’évènements traumatiques sera aussi au cœur des discussions cette année. Hélène Romano, docteur en psychologie clinique, interviendra sur son travail récent à Haïti : elle évoquera notamment la prise en charge médico-psychologique aéroportuaire des enfants haïtiens adoptés, celle-ci posant des questions éthiques aux psychologues.
Nombre de sujets abordés ont une résonance politique. Les Entretiens francophones de la psychologie se situent-ils dans une démarche critique ?
Il est vrai que de nombreuses questions politiques sont abordées à partir du travail des psychologues. Lors des Entretiens, nous nous plaçons bien dans une démarche critique : par exemple, la conférence du professeur en psychologie sociale Michel-Louis Rouquette attaque frontalement la question du travail du psychologue social face à la confusion entre un sujet psychologique et un sujet politique. Il y a une confusion des genres sur les acteurs se préoccupant du bien-être dans notre société, le bien-être devenant une variable de gouvernance. Depuis quelques temps, les choix des psychologues sont particulièrement contraints : on pourrait citer la problématique liée à l’adoption par des parents homosexuels, réinterrogeant le cadre de la filiation biologique, mais également la problématique de la prévention des addictions chez les jeunes, la problématique des suicides en prison, celle des malades mentaux meurtriers… Tous ces sujets ont une résonance politique, et nous ne pouvons pas nous couper des débats législatifs menés dans le champ social. Certains sujets développés au cours des Entretiens dépassent par conséquent largement la sphère du métier de psychologue. Partout où les psychologues interviennent, ils doivent nécessairement se positionner. La devise des Entretiens francophones de la psychologie est qu’il vaut mieux que le débat soit public plutôt que déguisé ou caché. Le fait que les débats se déroulent dans le cadre de tables rondes permet de voir s’exprimer des avis différents et d’avoir des réactions immédiates… ceci, non pas dans l’idée de parvenir obligatoirement à un consensus, mais dans l’idée d’initier un débat où tous les points de vue peuvent s’exprimer. Par exemple, on peut se questionner sur les modalités d’évaluation de la recherche en psychologie. Roland Gori, professeur émérite en psychopathologie clinique, traite ainsi des dispositifs d’évaluation de l’Université et de leurs conséquences sur la recherche, puis sur le travail du psychologue. Il s’agit ici d’un sujet éminemment « politique » : Roland Gori est co-fondateur de l’Appel des appels, lancé en 2009 par des professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, en réaction aux réformes mises en œuvre dans ces secteurs ces derniers temps, et dont les conséquences sociales sont jugées désastreuses.
Dans le cadre de ces Entretiens, vous organisez également une journée à l’attention des étudiants et jeunes diplômés en psychologie. Qu’observe-t-on au sujet de l’insertion professionnelle des jeunes psychologues ?
Cette journée spéciale destinée à un public d’étudiants et de jeunes diplômés en psychologie est une nouveauté dans les Entretiens. Cette initiative a un double objectif. Elle vise d’abord à aider ceux qui vont s’insérer prochainement dans le monde du travail, avec des tables rondes sur les exercices de la psychologie auxquels les étudiants ne pensent pas. De jeunes psychologues témoigneront aussi de leur réalité au quotidien. Le deuxième objectif est de se centrer sur les questions auxquelles le psychologue doit porter attention, comme les questions déontologiques ou sociétales. L’utilisation d’Internet est abordée : elle implique des précautions. Les sources documentaires présentes sur Internet ne sont pas toujours fiables, que ce soit pour la recherche d’emploi, la formation continue ou encore les échanges entre professionnels sur les forums qui peuvent parfois être mal compris si l’on n’est pas psychologue et que l’on y a accès. Aussi, sur le site web de la FFPP, une partie des échanges est réservée aux seuls psychologues ou étudiants en Master 2 de psychologie. Les intervenants sur le sujet indiqueront lors des Entretiens les questions à se poser selon les recherches menées. Pour ce qui est de l’insertion professionnelle des étudiants en psychologie, les données fournies par les universités sont malheureusement très parcellaires. Le co-président de la FFPP, Benoît Schneider, abordera dans sa conférence les résultats d’une synthèse d’enquêtes réalisées ces dernières années par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications, le Céreq, et par plusieurs observatoires de l’insertion professionnelle d’universités où la psychologie est enseignée, et qui vient a minima modifier les frontières des représentations de la psychologie comme pourvoyeuse de chômeurs.