Commençons par le petit traité de Claude Lecouteux, qui nous ramène aux sources folkloriques de la croyance aux vampires. Bien avant de se parer des atours du comte Dracula, des revenants malfaisants ont hanté l’imaginaire des paysans européens.
Sous des noms variés (fetch anglais, strygoi balkaniques, nave russes, broucolaques de Grèce, berserkir saxons, poltergeits et nachzerer allemands, opyr hongrois, etc.), ces êtres plutôt nocturnes avaient l’art de se manifester bruyamment ou agressivement, au détriment de la paix et de la santé du voisinage. Un fond commun de croyance voulait, en somme, que certains humains morts ne le soient pas vraiment, du fait d’anomalies de destin, de dettes ou de fautes mal soldées : parmi eux de grands pécheurs, des suicidés, des assassinés, des mort-nés, des usuriers, des sorciers, des étrangers… Bref, de mauvais morts auxquels on appliquait quelques recettes promises à un bel avenir : exhumation et vexation définitive par le pal, l’épée ou le feu. La figure du vampire sanguinaire proprement dit émerge du lot et élargit sa réputation à l’époque où, paradoxalement, les lettrés ne se gênent plus pour railler ces superstitions populaires : en 1732, une commission d’officiers-chirurgiens autrichiens exhuma en Serbie une série de mauvais morts soupçonnés de vampirisme, et les trouva baignant dans du sang frais… Leur rapport fit le tour de l’Europe, inaugurant une vampirologie savante qui pénétra jusqu’aux bancs des académies. Au XVIIIe siècle, les vampires, que l’on en rie ou que l’on en frissonne, sont à la mode dans les salons.