Marc et Sophie vivent dans un grand appartement. Marc, qui travaille en free-lance, ne le fait jamais dans son bureau, mais toujours sur la table de la cuisine, empêchant Sophie et leur fils de mettre la table pour les repas. Ce qui est source de tensions quotidiennes. Paul a perdu ses deux parents. À l’âge où beaucoup de ses amis lui envieraient sa situation de propriétaire, il ne se sent pas pour autant disposé à pouvoir jouir de cet appartement : vaisselle, vêtements, cartons sont empilés les uns sur les autres comme dans un dépotoir. Xavier s’entend mal avec son père. Si mal qu’il ne s’en cache pas : dès que son père mourra et qu’il héritera de son pavillon, il le vendra ou mieux, dit-il, il rasera la maison pour en faire construire une autre dessus, toute neuve. Nous projetons notre image du corps sur notre habitat. Et nous construisons, en nous, une représentation mentale de notre espace habitable. Pour le psychanalyste Alberto Eiguer, auteur de L’Inconscient de la maison (Dunod, 2013), ce double mouvement de projection et d’introjection nous permet de construire notre habitat intérieur. C’est-à-dire un lieu investi d’affects et qui contient l’histoire du groupe familial. Certaines pièces et certains objets de la maison portent davantage la trace de cette histoire. D’ailleurs, constate Alberto Eiguer, « chaque individu se représente sa propre maison ». Dans un même lieu où vivent plusieurs personnes, chacun a une image très différente de ce lieu. C’est-à-dire qu’il a une image de l’espace « dans lequel il habite ». Et cette image, il « l’associe facilement avec son corps ». Tout cela vous semble nébuleux ? Alors, démonstration:
Si vous lisez ce journal chez vous, arrêtez-vous un instant et prenez le temps de regarder autour de vous, les objets (meubles, bibelots, livres, etc) qui composent la pièce où vous vous trouvez. Les avez-vous depuis longtemps ? En prenez-vous soin ? Certains ont-ils été cassés ? Vous les a-t-on offerts ? En avez-vous hérité ? Si votre « chez vous » comporte plusieurs pièces, y en a-t-il une où vous êtes tout le temps ? Une où vous n’allez presque jamais ? Une que vous aimez particulièrement ? Une que vous détestez ?
Si vous vivez en couple, en famille, en colocation, comment chacun d’entre vous occupe-t-il l’espace ? D’ailleurs, quand vous parlez de « chez vous », vous dites quoi ? « La maison » ? « L’appartement » ? « Mon studio » ? Et votre maison d’enfance, vous en souvenez-vous ? Comment y viviez-vous ?