> Claire Marin
Philosophe, ses travaux portent sur les épreuves de la vie et leur impact sur l’intime. Elle est notamment l’auteure de L’homme sans fièvre (Armand Colin, 2013), La maladie, catastrophe intime (PUF, 2014), Hors de moi (Allia, J’ai lu, 2018) et Rupture(s) (L’Observatoire, 2019).
Aujourd’hui plus qu’hier, vivons-nous une ère de la rupture ?
Les ruptures ont toujours existé : qu’elles soient amoureuses, qu’il s’agisse du deuil, de changements de vie… Ce n’est pas nouveau. La spécificité de notre époque réside dans la démultiplication de ces ruptures sur les divers plans de notre existence. Il devient en effet difficile qu’un domaine de vie se maintienne dans une forme de stabilité ou de continuité. Sur le plan affectif, on voit les couples et les familles se décomposer. Sur le plan professionnel, la précarité gagne du terrain. Sur le plan idéologique, les religions et les grandes idées politiques paraissent perdre de leur force… Le quotidien semble de plus en plus incertain et instable.
On parle beaucoup de transitions : écologique, numérique, démographique… Pourquoi, dans votre ouvrage, avoir opté pour le terme de rupture ?
Ce qu’il manque, à mon sens, dans l’idée de transition, pouvant d’ailleurs la rendre hypocrite, c’est l’idée de perte. Dans la rupture, il y a quelque chose que l’on perd. On peut parler de transition écologique. Mais je pense que c’est une rupture. Car elle se fait sur une perte réelle, ou du moins sur un sentiment de perte à venir : on perd le monde naturel, des espèces animales disparaissent...