Charles Fourier - La mécanique des passions

Inventeur d’une microsociété utopique où l’amour et le travail sont régis par la seule diversité, Charles Fourier reste un penseur socialiste original. Visionnaire, il célèbre un état des mœurs qui n’adviendra qu’un siècle et demi plus tard.

Ses contemporains le prenaient volontiers pour un fou. Plus circonspect, Karl Marx n’en voulut pas moins lui régler son compte. Il le classa parmi les « utopistes », ces penseurs fantasques qui annonçaient le socialisme, mais manquaient singulièrement de sérieux. Charles Fourier, lui, se voyait comme l’Isaac Newton des passions humaines. Sa Théorie des quatre mouvements, paru en 1808, expose une « attraction passionnée » inspirée de l’œuvre du physicien anglais. Il ne saurait y avoir, avance Fourier, d’ordre social harmonieux que celui capable d’agencer la pluralité des passions humaines.

Amoureux des nombres, Fourier recense douze passions, depuis les « sensitives » (les cinq sens) et les « affectives » (amitié, amour, ambition et goût de la famille), jusqu’aux « distributives ». Hommes et femmes, observe-t-il, sont animés d’une passion « papillonne », qui les incite à préférer la variété en toutes circonstances. La « composite » n’est pas en reste, qui les incline au plaisir des sens, pendant que la « cabaliste » leur instille le goût de la conspiration et de l’action en groupe. Tous ces penchants peuvent-ils coexister de manière harmonieuse ? Certes pas dans les sociétés existantes, estime Fourier. Car celles-ci cantonnent le désir sexuel dans la monogamie, enferment le travail dans la répétitivité, dressent l’ambition contre l’amour et l’amitié.