Christine Philip : Autisme et école, à quand l'inclusion ?

La loi « handicap » de 2005 garantit officiellement l’accession à la scolarisation des enfants autistes. Dans les faits, qu’en est-il ? Alors que l’école devrait s’adapter aux enfants (approche inclusive), c’est encore aux enfants de s’adapter à l’école (approche intégrative) : tel est le constat de Christine Philip, maître de conférences à l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INS HEA), et membre du Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS) à l’université Paris-Descartes.

 

Vous avez récemment codirigé l’ouvrage Scolariser des élèves avec autisme et TED. Vers l’inclusion (avec Ghislain Magerotte et Jean-Louis Adrien, Dunod, 2012). Vous y expliquez qu’en France, l’inclusion des élèves avec autisme dans le système scolaire est loin d’être une réalité…

Dans la logique d’inclusion, c’est le milieu d’accueil qui répond aux besoins particuliers de la personne handicapée. Or, la France est restée dans une logique d’intégration en matière de scolarisation des élèves en situation de handicap, dont les élèves avec autisme : c’est la personne handicapée qui doit encore s’adapter au milieu. À l’inverse, d’autres États ont réellement mis en œuvre des politiques d’inclusion scolaire. C’est le cas des pays du Nord de l’Europe, mais aussi de l’Italie ou de la Belgique, deux pays qu’un rapport de 2007 du Comité  Consultatif National d’Éthique (CCNE) pointait comme des exemples dont il faudrait s’inspirer. En Italie, quand un élève avec un handicap de communication est accueilli dans une classe ordinaire, l’effectif de cette classe est réduit de moitié et l’enseignant se voit adjoindre un deuxième enseignant spécialisé, ce qui permet de scolariser en milieu ordinaire des enfants dans le bas du spectre autistique. Deuxième exemple, en Belgique, où c’est le Ministère de l’Education nationale qui est le maître d’œuvre de la prise en charge des enfants avec autisme. En France, comme l’indique ce rapport, ce sont les médecins psychiatres qui sont les décideurs en matière de « prise en charge » et l’accès à l’éducation et à la scolarisation reste accessoire, malgré la loi Handicap de 2005. C’est aussi en Belgique que sont accueillis beaucoup d’enfants avec autisme français, surtout parmi les plus « touchés », faute de places dans les institutions françaises. Et ne sont pas seulement concernés des enfants des régions limitrophes de la Belgique, mais aussi de toute la France, souvent avec un handicap lourd. C’est la France qui finance ces prises en charge dans les institutions belges au lieu d’ouvrir des places dans des institutions françaises.

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La loi « Handicap » de 2005 pose le droit à la scolarisation pour tous. Pourtant, les dispositifs de scolarisation des enfants avec autisme en France ne sont pas à la mesure des besoins, dites-vous. Quelles sont les difficultés sur le terrain ?