Christophe Rey : Sensibiliser les entreprises aux risques psychosociaux

Psychologue du travail, Christophe Rey est directeur adjoint de la société Calypso IPRP, spécialisée dans la prévention des risques psychosociaux. Il nous donne son point de vue sur cette problématique et son évolution, et nous explicite la manière dont il intervient en entreprises.

Comment évolue la problématique des risques psychosociaux ?

La loi de 2002 oblige les employeurs à prendre en charge le risque mental, et les jurisprudences de 2009-2010 vont dans le sens d’une obligation de résultat : telles sont les contraintes, auxquelles s’ajoute la médiatisation des risques psychosociaux. Celle-ci ayant fait bouger les choses, une prise de conscience s’est opérée.

Cette prise de conscience concerne-t-elle des risques anciens, ou les risques psychosociaux ont-ils augmenté ces dernières années ?

Les risques psychosociaux ont toujours existé. Quel que soit le métier, les salariés ont toujours été soumis à des contraintes psychologiques, du stress, des frustrations… propres à l’environnement professionnel. En revanche, ce qui a changé aujourd’hui, c’est l’état de tension qui règne de façon générale au niveau économique : les salariés sont sous pression car ils ont peur de perdre leur emploi. Ce qui a aussi évolué ce sont les rapports entre les personnes, et pas qu’au sein des entreprises, d’ailleurs : on observe moins de confiance naturelle et de plus en plus de tensions. Enfin, ce qui est vraiment majeur à l’heure actuelle, c’est la manière dont s’organisent les entreprises. Pour répondre au marché, qui est le nerf de la guerre, elles vont demander plus de polyvalence, de réactivité, de qualité, de rapidité à tous ses salariés. Concrètement les gens vont changer régulièrement de poste, effectuer des tâches qui n’ont plus rien à voir avec leur métier… Ils vont s’y plier car l’incertitude de garder son emploi plane, malgré les discours rassurants des dirigeants d’entreprises.
Il est normal que l’entreprise ait besoin d’être compétitive mais la question qui se pose est de savoir comment le rester sans mettre (trop) à mal les équipes. Les salariés qui ont 35 ans de métier disent qu’à leurs débuts, on leur demandait déjà d’être compétitifs. Mais les équipes étaient beaucoup plus stables, les managers tenaient tête à la hiérarchie car ils n’avaient pas peur de se faire renvoyer, et arrivaient à jouer un rôle de filtre. Par ailleurs, les équipes beaucoup plus larges : vous aviez dix techniciens dans un service, chacun connaissait le métier, la maison, les compétences des uns et des autres. Aujourd’hui il en reste trois, auxquels s’ajoute un « volant » d’intérimaires. Il est difficile de compter sur ces renforts plus ou moins expérimentés et motivés, ce qui change la donne et rend les choses plus compliquées. Les trois techniciens qui restent vont être complètement stressés !