Citoyens et délateurs. La délation peut-elle être civique ?

Jean-Paul Brodeur et Fabien Jobard (dir.), Autrement, 2005, 226 p., 19 €.

La délation a toujours eu mauvaise réputation, et pourtant se multiplient aujourd'hui les encouragements à la dénonciation des actes illégaux ou inciviques. On songe bien sûr aux affaires du type Enron, mais Jean-Paul Brodeur et Fabien Jobard rappellent aussi qu'au Canada « cinq dénonciateurs reçoivent le prix Vanessa, du nom d'une jeune fille de 15 ans morte à la suite d'une réaction imprévue à un médicament ». En France, dans le domaine juridique, a été introduit depuis peu le principe de la rémunération des indicateurs de police (« indics »), tandis qu'a été élargi le champ d'application des exemptions et réductions de peine pour les repentis...

Outre des exemples historiques (la Rome impériale, la Stasi est-allemande), les textes réunis ici rendent bien compte de la variété des pratiques contemporaines de délation : lettres de dénonciation envoyées à la Caisse des allocations familiales (Caf), pratique de l'outing (dénonciation de l'homosexualité d'une personnalité publique), reconnaissance d'un statut du « métier » d'indic... Le constat qu'invitent à tirer ces analyses n'est pas celui du « gommage du caractère infamant de la délation », mais plutôt de « la fragmentation de cette pratique en des comportements différenciés », certains inspirant encore le dégoût, d'autres étant en voie de normalisation.