Claire Leconte (AEPU) : Comment devenir enseignant-chercheur en psychologie ?

En quoi consiste le travail des enseignants-chercheurs en psychologie ?

Ils partagent leur temps entre recherche (192 heures annuelles) et enseignement (192 heures également, en équivalent TD, unité de référence, et hors évaluations). Mais ils assurent, pour la plupart d’entre eux, une troisième mission, d’administration : ils participent à la gestion des lieux où ils travaillent, les laboratoires, les UFR ou les départements de psychologie. Une mission insuffisamment valorisée par rapport au temps qu’ils y consacrent…

Comment un étudiant devient-il enseignant-chercheur ?

Pour chaque discipline académique, il existe une section de CNU (Conseil national des universités), composée de professeurs et maîtres de conférence élus et nommés, dont la mission principale consiste à qualifier les futurs enseignants-chercheurs. Quand un étudiant a soutenu sa thèse, il peut soumettre un dossier pour participer à la campagne de qualification de maître de conférence. C’est une première étape. A l’heure actuelle, cette qualification nécessite qu’outre la thèse, l’étudiant ait déjà à son actif deux publications reconnues comme qualifiantes. Une énorme demande pour un étudiant, qui n’a que trois ans pour réaliser à la fois une thèse et deux publications ! A titre d'information, en 2010, la 16e section de CNU (psychologie) a qualifié 46,9 % des candidats (44,6 % des 141 candidates et 49,4 % des 87 candidats). Si l’étudiant est qualifié, il peut concourir à tous les postes qui correspondent à son profil. Mais sa qualification dure quatre ans : si, passé ce délai, il n’a pas de poste, il doit reconcourir.
Ensuite, au sein des universités, des comités de sélection spécifiques pour chacun des profils de poste sélectionnent les candidats qui vont être auditionnés sur la base de leur dossier académique. Pour chaque poste, on auditionne en moyenne sept à huit candidats. Sachant qu’au départ, il y a entre quarante et cinquante dossiers qui arrivent pour ce même poste, c’est un vrai parcours du combattant…
Une fois le maître de conférence recruté, il est stagiaire pendant un an, à l’issue duquel il peut être titularisé sur son poste. Au-delà du grade de maîtres de conférences, les professeurs doivent, en plus de leur thèse, obtenir une habilitation à diriger des recherches (HDR). Les professeurs suivent le même parcours de qualification et de sélection que les maîtres de conférence, mais leurs dossiers ne sont examinés que par les professeurs membres du CNU. Idem pour le recrutement par les comités de sélection.
On dénombre environ 1 300 enseignants-chercheurs enseignant la psychologie, mais c’est un peu compliqué car dans les départements de psychologie on trouve aussi des enseignants pour l’anglais, les statistiques, les neurosciences, etc.

Les étudiants sont-ils préparés de la même manière à un tel parcours par les différentes formations de psychologie ?

Il existe des différences, dans la mesure où les enseignants-chercheurs sont recrutés pour chaque laboratoire par un comité de sélection. Or certains laboratoires sont plus orientés vers la psychologie pathologique, d’autres vers les neurosciences, etc. Les enseignants n’ont donc pas le même profil au départ, ce qui a une incidence sur la formation délivrée aux étudiants. On a constaté que la formation était assez comparable jusqu’à la fin de la licence, ce qui est indispensable pour un futur psychologue. Les différences apparaissent plutôt en master : certaines universités sont spécialisées dans une discipline, et cela se sait. Les étudiants doivent faire preuve d’une grande mobilité : beaucoup essaient de changer d’université au moment du choix de leur spécialité. Paris 7, par exemple, est plutôt orientée vers la pathologie clinique. On retrouve ainsi des spécialités de psychopathologie clinique particulièrement ancrées sur la psychanalyse, mais d'autres seront marquées par l'approche cognitivo-comportementale. De même, on peut avoir de la psychologie sociale marquée par le cognitivisme ou au contraire par la psychanalyse. Mais on trouve aussi des différences substantielles au sein des spécialisations (éducation, travail, santé) en fonction des modèles psychologiques développés (cognitiviste, psychanalytique, comportementaliste, différentialiste, développementaliste…). De plus en plus on constate, sur le marché du travail, la volonté d'avoir des psychologues avec des spécialisations différentes pour se compléter au sein du même service. Ceci est perçu comme une richesse pour la prise en charge de certains patients.