«Si un nombreimportant d'enfants adoptés s'intègrent sans problème, connaissent une croissance harmonieuse et une scolarité réussie, un nombre plus important qu'on ne l'attendrait peinent à trouver leur place. » C'est ce que révèle une enquête menée auprès de 71 familles sur le devenir des enfants adoptés en France, leurs capacités d'intégration familiale, sociale et scolaire. A milieux socioculturels comparables, les enfants adoptés feraient preuve en effet d'une moindre réussite scolaire que leurs camarades. Pour autant, leurs symptômes ne sont pas spécifiques, qui vont du refus actif des règles de la vie scolaire à l'incapacité de soutenir un effort, en passant par une inhibition ou, au contraire, une extraversion perturbante. Les psychologues notent toutefois cette particularité : ce n'est pas le travail en lui-même ni l'effort qu'ils refusent, mais l'activité intellectuelle, avec ce qu'elle implique de doutes, d'incertitudes, d'implication personnelle. L'interdit de dire ou de faire, qui a longtemps entouré l'adoption, pourrait-il être à l'origine d'un tel blocage ?
Aujourd'hui, cette hypothèse semble peu probable ; en revanche, le réflexe, acquis très tôt pour s'adapter, d'oublier sa langue et son passé pourrait bien être la source d'une difficulté à mémoriser. Le désintérêt fréquent de ces enfants pour les disciplines scientifiques au profit de matières plus littéraires fait naître une autre hypothèse : l'école pourrait échouer à les intéresser, faute de pouvoir répondre à leurs questions fondamentales sur le sens de la vie ou leurs origines. Les psychologues se demandent enfin si le cadre scolaire n'est pas incompatible avec les défenses psychiques mises en place par les enfants pour faire face au traumatisme de l'abandon, à une filiation hors norme. Pour les chercheurs, l'école est le lieu où se joue la filiation: l'enfant s'y rend « comme un chevalier qui souhaite se faire adouber ». Elle peut dès lors focaliser sa rébellion contre son statut social s'il le vit comme une injustice. Chargée de cette fonction symbolique, l'école ferait ainsi l'objet d'une réaction agressive, adressée aux parents et à la société.
Références
Annette Carayon et Cécile Delannoy, « Besoin de savoir, désir de savoir, refus de savoir chez les enfants adoptés », Psychologie et éducation, n° 58, octobre 2004.