Comment devient-on psychanalyste ?

Il a fallu dix ans aux pouvoirs publics pour réglementer tant bien que mal la profession de psychothérapeute. Le fait que les psychanalystes ne sont pas concernés par cette entreprise de contrôle légal peut indiquer que, contrairement aux psychothérapeutes, ils ont su trouver d’autres modes de reconnaissance valides. « Cette exclusion équivaut à la reconnaissance implicite de la psychanalyse », prétendent les optimistes ; « les psychanalystes ne perdent rien pour attendre », prévoient les Cassandre. Mais finalement, quels sont les éléments distinguant un analyste ? Comment devient-on psychanalyste ?

Pour Freud, aucun diplôme

Cette question s’articule autour de l’épineux problème de la formation du psychanalyste. Depuis ses origines, le mouvement psychanalytique est habité par l’inquiétude pour son avenir et des débats sur ses modalités de transmission. En 1926, Freud prend la défense de l’un de ses disciples viennois, Théodore Reik, psychanalyste mais non médecin, contre lequel court une plainte pour charlatanisme et exercice illégal de la médecine. Dans La question de l’analyse profane, il se déclare en faveur de l’analyse laïque ou profane, c'est-à-dire affranchie de l’ordre médical. Pour lui, aucun diplôme, pas même celui de médecin, ne peut préjuger de la qualité d’un analyste. Il situe la psychanalyse dans un registre différent de ceux que peuvent dispenser un savoir constitué, et lui attribue un caractère d’extraterritorialité.
La psychanalyse ne saurait tirer sa qualification et sa légitimité, que de la psychanalyse. Ainsi, la règle fondamentale de la formation est édictée par Freud : « Nous exigeons que quiconque veut pratiquer l’analyse sur d’autres se soumette au préalable à une analyse. C’est seulement au cours de cette « analyse de soi » quand ils éprouvent effectivement sur leur propre corps, plus exactement : sur leur propre âme les processus dont l’analyse affirme l’existence, qu’ils acquièrent les convictions par lesquels, analystes, ils seront plus tard guidés. » Ce principe essentiel est toujours affirmé avec la même vigueur par les psychanalystes actuels tel Jacques Sedat, secrétaire du Groupe de contact qui réunit la plupart des sociétés de psychanalyse freudiennes et lacaniennes : « Au cours de son analyse le futur analyste découvre son propre fonctionnement, son histoire ; la découverte de son inconscient lui permet de se remettre en cause profondément. C’est ainsi qu’il pourra entendre l’étranger qui est en l’autre. »