Entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l’anthropologue James George Frazer fit paraître Le Rameau d’or, immense recueil en 12 volumes de mythologies et de rituels des peuples de l’Antiquité et des sociétés « primitives ». Il y montrait notamment que la magie partage avec la science la conception d’un monde fait de chaînes d’événements gouvernés par des lois immuables (et non par des dieux, par exemple). Simplement, la magie se « tromperait » dans les relations de causalité. Ainsi, les Malaisiens croient-ils qu’en brûlant une figurine de cire comportant des morceaux de cils, cheveux, sourcils d’une personne, celle-ci mourra. La magie appliquerait donc, selon J. Frazer, de « bons » principes à « mauvais » escient.
Dans ses désormais fameuses « Remarques sur Le Rameau d’or de Frazer », le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein s’est emporté contre cette façon de présenter les conceptions magiques des hommes « comme des erreurs ». Raillant « l’impuissance » de l’anthropologue « à comprendre une autre vie que la vie anglaise de son temps », il estime que c’est J.G. Frazer qui commet une erreur en rapportant une pratique religieuse (les rituels magiques) à une autre pratique qui ne lui correspond en rien, la science. Car selon L. Wittgenstein, ces rituels ne sont pas accomplis parce que les hommes y croient, mais simplement parce que cela les contente : « Brûler en effigie. Embrasser l’image du bien-aimé. Cela ne repose naturellement pas sur la croyance que l’on produit un certain effet sur l’objet que l’image représente. Cela vise à procurer une satisfaction et y parvient effectivement. » Ils ne sont donc guère différents de certaines pratiques qui nous sont communes : « Lorsque je suis furieux contre quelque chose, je frappe quelquefois avec mon bâton contre la terre ou contre un arbre, etc. Mais je ne crois tout de même pas que la terre soit responsable ou que le fait de frapper puisse avancer à quelque chose. Je donne libre cours à ma colère. Et de ce type sont tous les rites. »